Fibromyalgie

Pr Jean-Dominique de Korwin, Université Henri Poincaré, CHU Nancy - service de Médecine Interne, Médecine H. Jd.dekorwin@chu-nancy.fr

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La fibromyalgie, aussi appelée en France « syndrome polyalgique idiopathique diffus », est un trouble douloureux rhumatologique de cause incertaine, entité syndromique dont on distingue une forme primitive de loin la plus fréquente, et des formes associées à diverses maladies systémiques principalement auto-immunes : syndrome de Gougerot-Sjögren, lupus érythémateux systémique, polyarthrite rhumatoïde… La fibromyalgie reste une entité mal cernée et controversée dont la prise en charge est difficile. Elle pose un véritable problème de santé publique étant considérée comme le syndrome douloureux chronique le plus fréquent, avec une prévalence élevée dans tous les pays du globe, estimée en France à 2%.

Si les troubles peuvent survenir dès l’enfance, les femmes adultes sont concernées en grande majorité, se plaignant de divers troubles physiques où prédominent des douleurs musculaires et périarticulaires relativement diffuses, une fatigue et des troubles du sommeil quasi constants au moment du diagnostic. Des symptômes anxio-dépressifs coexistent dans la moitié des cas ainsi que divers troubles psychiatriques, mais ces comorbidités éventuellement favorisantes ne résument pas à elles-seules les problématiques de ce syndrome. D’autres dysfonctionnements sont fréquemment associées : syndrome sec oculo-salivaire, syndrome de l’intestin irritable, « vessie instable et irritable »… L’étude de sa physiopathologie (IRM fonctionnelle…) attribue l’origine de la douleur à une sensibilisation des centres nerveux et à d’autres désordres neuronaux incluant des anomalies du système nerveux périphérique. La sensibilisation centrale pourrait aussi rendre compte des anomalies associées : anxiété, troubles du sommeil, fatigue et autres dysfonctionnements.

Les critères diagnostiques proposés en 1990 par l’ACR sont maintenant admis bien qu’imparfaits : douleurs diffuses depuis au moins trois mois, sans cause identifiée, bilatérales et des moitiés supérieure et inférieure du corps (incluant le rachis dans toute sa longueur), et associées à la présence de points douloureux à la pression (« tender points ») dans leur localisation caractéristique tendino-musculaire au nombre d’au moins 11 sur 18. Ils permettent de reconnaître le syndrome et d’engager la démarche diagnostique destinée à évaluer les troubles à l’aide d’outils validés (EVA, auto-questionnaires : FIQ, PGIC…), rechercher des maladies associées et/ou des comorbidités, afin d’orienter la prise en charge. Il n'y a pas d'anomalie biologique ou radiologique évocatrice.

Reconnaître l’existence d’un syndrome fibromyalgique permet parfois d’y rattacher des douleurs du rachis et/ou des membres d’étiologie incertaine au terme d’un bilan d’exclusion d’autres affections nécessitant une prise en charge spécifique. Cette démarche rigoureuse, en sollicitant au besoin un avis spécialisé de rhumatologie ou de médecine interne, a aussi pour buts, d’une part d’éviter des interventions inopportunes chirurgicales ou autres, et d’adapter la prise en charge en cas de traitement d’autres affections d’autre part. Après intervention orthopédique, la réadaptation et la reprise du travail doivent prendre en compte l’existence de ce syndrome qui justifie aussi un accompagnement psychologique, de nombreux patients présentant un terrain anxio-dépressif et une propension au « catastrophisme ».

Des recommandations récentes ont été proposées, notamment au niveau européen en 2006 par l’EULAR, basées sur le niveau de preuve élevé des essais thérapeutiques contrôlés. Des traitements médicamenteux ou non ont fait la preuve de leur efficacité, la prise en charge optimale reposant sur une approche multidimensionnelle destinée à rompre le cercle vicieux de la douleur:

Améliorer la qualité de vie passe aussi par la reconnaissance de la réalité de la douleur, et d’un accompagnement médicosocial et socioprofessionnel. Une négociation du projet dans le cadre d’une éducation thérapeutique adaptée est conseillée en associant les patients aux décisions et en déterminant des objectifs réalistes étalés dans le temps et prenant toujours en compte le niveau d’activité physique (limiter l’hyperactivité souvent préexistante et fréquente).

Références :
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