Navigation du Ligament Croisé Antérieur

Henri Robert. C H Nord Mayenne. F-53100. Mayenne

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L’échec des plasties du LCA est le plus souvent secondaire à un mauvais positionnement du tunnel, fémoral ou tibial. Ce positionnement anisométrique entraîne des contraintes d’étirement en flexion ou extension sur la greffe en cours de ligamentisation. Ainsi, un positionnement fémoral ou tibial trop antérieur étire la greffe en extension d’où une laxité résiduelle.

Le LCA a une structure complexe que l’on a réduit à l’existence de 2 faisceaux, antéro-médial (AM) et postéro-latéral (PL). Chaque faisceau a son rôle et comportement propres, le faisceau A-M reste relativement isométrique de 0 à 90° et contrôle le tiroir antérieur en flexion, le faisceau P-L est tendu en extension et se détend en flexion (comportement anisométrique). Les zones d’insertion de chaque faisceau ont été largement décrites depuis quelques années, mais le choix précis du site d’implantation de la fibre centrale de l’A-M doit répondre à un critère d’isométrie. La navigation devient une aide importante dans cette décision, elle permet également une bonne analyse des laxités sagittales, rotatoires (Rotations interne et externe), du ressaut ou jerk-test et d’un éventuel conflit avec l’échancrure.

 

Les systèmes de navigation (sans image)

Ils comprennent une caméra infra-rouge de localisation, des corps rigides fixés sur le fémur et le tibia, et un logiciel dédié au type de réparation envisagé : 1 ou 2 faisceaux, reprise de plastie du LCA, plasties extra articulaires médiale ou latérale. Certains logiciels utilisent le principe du « Bone morphing » pour reproduire l’anatomie exacte du patient, à partir d’un modèle déformable.

Déroulement d’une plastie mono-faisceau (Faisceau A-M) avec Bone morphing

  1. Acquisition des points anatomiques remarquables : centre de la cheville, épines tibiales, plateaux tibiaux, ligament inter méniscal,

  2. Acquisition des surfaces par Bone morphing : échancrure, surface pré-spinale, face axiale du condyle latéral,

  3. Acquisition de la cinématique en flexion pour définir le profil d’isométrie du ligament,

  4. Evaluation de la stabilité 3-D : Lachman, tiroir à  90°, VFE, VRI, rotations interne et externe, ressaut,

  5. Choix des points d’insertion. On choisi un point tibial par rapport aux repères anatomiques  (épine tibiale interne, échancrure antérieure, LCP) dans le pied du faisceau A-M, n’entrainant pas de conflit avec le toit en extension. Ensuite, on choisit le point fémoral sur une carte d’anisométrie croissante en s’éloignant de la zone favorable. Chaque point correspond à une courbe d’anisométrie : favorable si la greffe se détend en flexion (Anisométrie < 2 mm), défavorable si elle se tend en flexion. Ce point est dans l’aire anatomique du faisceau A-M,

  6. Forage des tunnels avec l’ancillaire habituel,

  7. Montée et fixation de la greffe selon ses habitudes.

  8. Testing de la stabilité sagittale et rotatoire finale,

  9. Enregistrement des données pour le compte rendu opératoire.

Il existe des variantes dans le déroulement des séquences selon le système utilisé.

 

Déroulement d’une plastie anatomique double faisceaux

Le choix de l’emplacement du faisceau A-M est identique à la procédure précédente ; Le point tibial P-L est choisi en arrière et en dehors du point A-M, en ménageant un pont de 2 mm entre les 2 tunnels. Le point fémoral P-L sera choisi sur la carte d’anisométrie selon les repères anatomiques définis par Yasuda, la courbe d’anisométrie sera favorable mais d’amplitude plus importante qu’avec l’A-M. Les tunnels sont forés, le greffon du P-L est monté en premier et sera fixé à 10° ou 20° de flexion, après cyclage. Le faisceau A-M est monté ensuite et fixé en flexion 45°.

Déroulement d’une reprise de plastie du LCA

On enregistre préalablement le positionnement de chaque tunnel de l’ancienne plastie et on peut corriger chaque position en fonction des repères anatomiques et de la courbe d’anisométrie. L’orientation des nouveaux tunnels sera fonction des anciens pour éviter le matériel éventuellement laissé en place et de forer des tunnels trop larges.

 

Plastie extra articulaire latérale.

En cas de grande laxité ou de ressaut explosif, il est utile d’adjoindre une plastie anti ressaut latérale. Le choix de l’emplacement fémoral est critique et le système permet d’établir une courbe d’anisométrie favorable.

 

Problèmes de la navigation

Il existe un surcoût lié au matériel à usage unique des corps rigides et au temps de bloc supplémentaire (15 à 20 minutes). Les complications : fracture sur fiches, infections, douleurs résiduelles sur fiches sont exceptionnelles.

La meilleure connaissance de l’anatomie arthroscopique des zones d’insertion des faisceaux du LCA a réduit l’intérêt des navigateurs et de la recherche de la meilleure isométrie.

 

Résultats

Pour Plaweski et coll, la navigation a permis d’optimiser le positionnement tibial plus en avant et en dedans et de modifier le positionnement fémoral conventionnel vers un site plus isométrique. Pour Picard et coll, la navigation permet de réduire la dispersion des positionnements au fémur et au tibia.

Pour Musahl et Fu, le positionnement strictement anatomique d’un mono faisceau donne une meilleure stabilité qu’un positionnement isométrique.

 

En pratique

L’utilisation de la navigation reste en France très marginale. Pour les Juniors elle est une aide pour le choix du centre des tunnels et de l’analyse des laxités ; pour les Séniors, elle permet une étude du rôle respectif de chaque faisceau du LCA et de la compréhension du ressaut.

L’avenir

Il existe plusieurs pistes de développement :

  1. L’enregistrement précis des zones anatomiques d’insertion de chaque faisceau en pré-op (à partir de l’IRM) pourrait aider à retrouver leur localisation en per-op.

  2. La connaissance en per-op. des tensions de chaque faisceau pourrait aider à la fixation.

  3. Il serait souhaitable de disposer d’un système unique permettant des mesures des laxités et des rotations en pré, per et post opératoire. Cela suppose de disposer de capteurs stabilisés de manière non traumatique sur la cuisse et la jambe. Des systèmes électro magnétiques sont en cours d’évaluation dans quelques laboratoires.

Références

  • Colombet P, Robinson JR. Computer assisted, anatomic, double bundle ACL reconstruction. Arthroscopy, 2008 ; 24 : 1152-1160

  • Ishibashi Y, Tsuda E, Fukuda A. Intraoperative biomechanical evaluation of ACL reconstruction using navigation system. Am J Sports Med 2008; 36:1903-1912

  • Musahl V, Plakseychuk A, Vanscyoc A, Sasaki T, Fu F. Varying femoral tunnels between the anatomical footprint and isometric positions. Am J Sports Med 2005;33:712-718

  • Picard F, DiGioia AM, Moody J et al. Accuracy in tunnel placement for ACL reconstruction. Comparison of traditional arthroscopic and computer assisted navigation techniques. Comput Aided Surg 2001; 6(5):542-552

  • Plaweski S, Julliard R. Navigation in ACL reconstruction. Techniques in Knee Surgery. 2006; 5(4): 206-211.

  • Yasuda K, Kondo E, Ichiyama H. Anatomical reconstruction of the AM and PL bundles of the ACL using hamstring tendon grafts. Arthroscopy. 2004; 20:1015-1025

L’évaluation de la laxité sagittale du genou par le laximètre GNRB®.

Henri Robert. C. H. Nord Mayenne, F-53100, Mayenne.

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Le diagnostic de rupture du ligament croisé antérieur (LCA) est clinique (Test de Lachman et ressaut en rotation interne) et relativement aisé en cas de rupture totale mais très incertain en cas de rupture partielle. La quantification clinique du Lachman est imprécise, subjective et non reproductible. Aujourd’hui en clinique, la quantification se fait habituellement par le KT-1000, le Rolimeter ou le Telos. Malgré une longue expérience, et leur large utilisation, ces systèmes n’apportent pas la reproductibilité, la précision, l’innocuité souhaités (1-4).

Dans un JBJS récent, Freddy Fu avouait : « The lack of available, reliable, and valid clinical outcome measures makes it difficult to compare different ACL reconstruction techniques. In the office setting, it is difficult to quantify differences in anteroposterior and rotational stability in absolute terms » (JBJS, 2008, Suppl 4:20-34).

 

  1. Le GNRB.

Le GNRB est un nouvel appareil de mesure du déplacement sagittal du tibia à 30° de flexion développé par Henri Robert et Stéphane Nouveau en 2006.

Le patient est allongé sur une table d’examen standard, chaque genou sera testé comparativement. L’installation du genou doit parfaitement faire correspondre l’interligne articulaire et le repère externe de niveau. Le membre inférieur repose sur une coque thermoformée et adaptable à chaque longueur de jambe, le pied est fixé en rotation 0°. Un vérin linéaire exerce une poussée régulière sur le mollet (paliers au choix de l’examinateur : 67 N, 89 N, 134 N, 150 N ou 250 N). Des électrodes de surface, collées à la face postérieure de la cuisse s’assurent qu’il n’y a aucune activité des ischio-jambiers du côté testé (effet feedback). Un capteur de déplacement (précision de 0,1 mm) enregistre la translation antérieure de la tubérosité antérieure du tibia par rapport au fémur. L’enregistrement continu du déplacement se fait sur un PC distant. L’ensemble du dispositif est piloté par un microcalculateur destiné à assurer la cohérence et l’exactitude des mesures.

La courbe obtenue est une courbe d’élasticité ou compliance du LCA (déplacement/effort en mm/N).

Chaque patient a son propre dossier de laxité réactualisé à chaque consultation dans les mêmes conditions d’enregistrement (Force de serrage de cuisse, effort de poussée maximale).

Ce système est beaucoup plus reproductible en inter et intra observateur que le KT-1000, auquel il a été comparé (5).

  1. L’évaluation

Durant l’année 2007, nous avons enregistré la laxité différentielle d’une population de 21 ruptures complètes chroniques, secondairement opérées. Chaque genou a été mesuré au moins 3 fois de 0 à 250 N. Il s’agissait de 15 hommes et 6 femmes d’âge moyen 26 ans (16 à 36 ans). Tous présentaient un Lachman avec arrêt mou et un ressaut franc. A l’arthroscopie, il a été retrouvé une disparition complète du LCA dans l’échancrure. Durant la même période, 24 ruptures incomplètes du LCA, secondairement opérées, ont été étudiées selon le même protocole. Il s’agissait de 19 hommes et de 5 femmes, d’âge moyen 31 ans (15 à 59 ans) présentant un Lachman avec arrêt dur retardé et un ressaut absent (7 cas) ou bâtard (17 cas). Lors de l’intervention, il a été retrouvé une rupture isolée du faisceau antérieur dans 7 cas, une rupture isolée du faisceau postérieur dans 3 cas et un LCA cicatriciel et détendu dans 14 cas. Les atteintes méniscales portaient sur le ménisque interne dans 9 cas, et externe dans 4 cas.

Les courbes ROC ont été utilisées pour déterminer une « valeur seuil » de laxité différentielle entre genou sain et pathologique à 134 N. La valeur seuil a été choisie pour fournir une sensibilité et une spécificité maximale, en incluant le plus de sujets.

  1. Les résultats

a. Le LCA normal

La mise en charge du LCA se produit en 2 temps (comportement non linéaire), initialement l’allongement est important avec une pente élevée (Pente P1) puis lorsque toutes les fibres ligamentaires sont recrutées et alignées, l’allongement devient modéré (Pente P2). Chaque ligament a ses propres caractéristiques (Pentes P1 et P2, zone de transition) et c’est la différence de comportement entre les 2 genoux qui sera étudiée. Nous intéresserons à la pente P2 de chaque genou et au différentiel d’allongement à 134 N.


b. La rupture complète

Le diagnostic de rupture complète peut être porté si la translation tibiale différentielle à 134 N est d’au moins 3 mm avec une sensibilité de 70 %, une spécificité de 99 %, ce seuil permet d’obtenir 88 % de patients bien classés

Exemple : les 2 courbes sont très divergentes avec un différentiel de laxité à 134 N de 4 mm.

c. La rupture incomplète.

Dans les ruptures incomplètes du LCA, la valeur seuil de 1,5 mm de laxité différentielle, à 134 N, donnant une sensibilité de 80 % et une spécificité de 87 % a été retenue car elle permet d’inclure 81 % des patients. Ce groupe correspond à différentes situations anatomiques : rupture d’un faisceau, branchement en nourrice sur le LCP ou l’échancrure, distension sans rupture

Exemple : rupture isolée du faisceau antérieur, les 2 courbes sont légèrement divergentes avec un différentiel de 2 mm à 134 N.

Conclusion. Ce système très précis permet un diagnostic de rupture complète ou incomplète du LCA et permettra d’évaluer la qualité mécanique de nos plasties de manière rigoureuse, ce qui n’est pas le cas actuellement…


Pour obtenir des informations complémentaires : www.genourob.com

 

Références

  1. Boyer T, Djian P, Christel P, Paoletti X, Degeorges R. Fiabilité de l’arthromètre KT-1000 pour la mesure de la laxité antérieure du genou. Rev Chir Orthop 2004; 90: 757-64

  2. Jardin C, Chantelot C, Migaud H, Gougeon F, Debroucker MJ, Duquennoy A. Fiabilité du KT-1000 pour la mesure de la laxité antérieure du genou : analyse comparative avec le Telos de 48 reconstructions du ligament croisé antérieur et reproductibilité intra et inter observateurs. Rev Chir Orthop 1999; 85: 698-707.

  3. Berry J, Kramer K, Binkley GA, Stratford P, Hunter S, Brown K. Error estimate in novice and expert raters for the KT-1000 arthrometer. J Orthop Sports Phys Ther. 1999, 29: 49-55

  4. Sernert N, Helmers J, Kartus C, Ejerhed L, Kartus J. Knee-laxity measurements examined by a left-hand and a right-hand dominant physiotherapist, in patients with ACL ligament injuries and healthy controls. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2007; 15: 1181-86

  5. Robert H, Nouveau S, Gageot S, Gagnière S. Nouveau système de mesure des laxités sagittales du genou, le GNRB®. Application aux ruptures complètes et incomplètes du ligament croisé antérieur. Rev Chir Orthop. 2009. Sous presse.



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