Incidence d’une lésion méniscale sur la conduite à tenir vis-à-vis du LCA

Henri Robert (Mayenne)

Communication complète

 

La survenue initiale ou secondaire d’une lésion méniscale lors de la rupture du LCA modifie la prise en charge et  conditionne le pronostic à moyen et long terme.
L’incidence des lésions méniscales internes augmente avec le  délai opératoire (17 % avant 1 an et 50% après 5 ans) alors que celle des lésions méniscales externes reste stable (25 %). (Brunet)
Le type anatomique de lésion est habituellement une rupture verticale longitudinale dans le segment postérieur, longue  de 5 à 10 millimètres, non luxable, mais elle peut atteindre 3 ou 4 centimètres (anse de seau luxée). En cas de refend transverse, il se produit une languette. Le ménisque est divisé en 3 zones selon sa vascularisation : zone périphérique « rouge-rouge », zone moyenne : « blanc-rouge » et zone centrale : « blanc-blanc » (Arnoczky). La cicatrisation méniscale est possible pour les zones « rouge-rouge » et « rouge-blanc » spontanément ou après suture sur un genou stabilisé.
L’évolution spontanée d’une lésion méniscale sur genou non stabilisé est mauvaise et conduit au recul de 10 ans à 64 % de méniscectomie interne et 28% de méniscectomie externe (Mc Daniel). L’arthrose  globale est de 86 % à 30 ans de recul et 10 % des patients auront une prothèse du genou  (Neyret).
Le diagnostic de lésion méniscale repose sur  l’examen clinique et l’IRM systématique en dehors des cas de blocage méniscal aigu.
Les possibilités thérapeutiques.

  1. L’abstention laisse en place la lésion méniscale sans aucun geste ou avec un simple avivement des berges de la rupture. L’objectif est que la plastie du LCA « cale » le ménisque dans sa position physiologique et le protège. La seule étude de niveau 3, rapporte un taux de méniscectomie interne et externe secondaire de 7 %, si la rupture est inférieure à 15 mm de long et le LCA reconstruit (Yagishita).
  2. La réparation méniscale. La refixation méniscale fait appel  à des sutures, des ancres résorbables (Meniscal arrow, Dart, Stinger, Méniscal screw…)  ou des systèmes hybrides (Fast  FixTM, Rapid-lockTM, Meniscal ViperTM). Toutes les études biomécaniques mettent en évidence une meilleure stabilité des sutures / ancres et des fils verticaux / fils horizontaux (Zantop, Becker). La réparation repose sur un avivement soigneux de versant périphérique à la basket et à une suture de préférence par attaches hybrides pour les segments moyen et postérieur et par suture out-in pour le segment antérieur. En cas de plastie associée à la suture méniscale, les séries cliniques rapportent de 25% (Beaufils),  28% (Kurzweil) à 41%(Gifstad) d’échec des sutures ou fixation par ancres. La cicatrisation méniscale évaluée par arthro-scanner à 6 mois, montrait une cicatrisation complète dans 42% des cas, partielle dans 33% des cas et nulle dans 25% des cas (Beaufils et Cassard) ; le ménisque latéral cicatrise mieux que le médial. Les sutures méniscales peuvent laissées des séquelles douloureuses dans 15 % des cas.

Une étude de niveau 4, rapporte un taux d’échec  de 28 % des sutures méniscales, en cas de non réparation du LCA, si la patient réduit son activité.  (Koukoulias). Cette solution reste possible chez des patients peu sportifs ou en attente d’une réparation différée du LCA. 

  1. La méniscectomie. L’ablation plus ou moins complète du ménisque doit être évitée à tout prix, d’autant plus que le sujet est jeune, pour garantir un meilleur résultat à long terme. Toute méniscectomie médiale péjore la fonction, accentue la laxité et la dégradation chondrale ; en cas de méniscectomie sur plastie de type Kenneth –Jones -Lemaire, au recul de 24,5 ans, l’incidence d’arthrose et de pré arthrose est de 66% et en cas de préservation, l’incidence est de 36 %. (Thèse de Jérôme Pernin).

Les indications et le timing
Le principe d’économie méniscale s’impose pour préserver l’avenir du genou. L’IRM permet de préciser le siège et l’étendue de la lésion méniscale et de  prévoir la suture éventuelle. Le patient sera averti des avantages et des risques de cette attitude. Les indications sont modulées essentiellement en fonction de l’âge, de la demande sportive, de l’instabilité et du type de lésion méniscale.

  1. une anse de seau luxée et récente chez un sujet jeune  (de même pour un gros fragment ostéo-chondral) constitue une urgence de réparation méniscale avec de préférence une plastie simultanée, mais avec les inconvénients des réparations précoces. Une suture suivie d’une plastie différée de 2 à 3 mois reste une solution acceptable. La réduction isolée de l’anse suivie d’immobilisation, puis de la plastie doit rester l’exception.  
  2. Une anse de seau ancienne chez un sujet jeune doit conduire à une réparation simultanée du ménisque et du LCA, dans un délai raisonnable tenant compte des impératifs du patient. Le genou aura eu le temps de récupérer une bonne mobilité, trophicité et le patient d’organiser son absence professionnelle.  Chez un sujet plus âgé, peu demandeur, on peut se limiter à une résection de l’anse et à une surveillance. 
  3. Une lésion méniscale non luxée (stable ou instable) associée à la rupture du LCA n’est pas une urgence, le ménisque peut cicatriser avant ou après la plastie.

La plastie du LCA sera proposée de principe  chez le patient jeune, sportif avant les accidents d’instabilité mais aussi fortement conseillée chez le jeune non sportif pour protéger son genou. L’abstention vis-à-vis du ménisque latéral (stable ou instable) et du ménisque médial stable  est quasi systématique, mais une suture « all inside » est faite à une lésion instable, périphérique du ménisque médial. Le délai de la réparation méniscale est fonction de celui de la réparation ligamentaire et il semble que l’idéal soit d’intervenir ni trop tôt (avant 3 mois), ni trop tard (après 1 an post traumatique). Il sera déterminé avec le patient en fonction de son âge, sa gêne fonctionnelle, sa pratique sportive, ses lésions associées, sa laxité et ses contraintes socio-professionnelles.
Si une plastie n’est pas proposée (patient peu actif, sans instabilité fonctionnelle). La réparation méniscale isolée est discutée, chez un jeune, surtout en cas de douleur postérieure tenace, même si elle donne 27 % d’échec. La méniscectomie économique reste indiquée si le ménisque est symptomatique et la lésion complexe ou non suturable.  


BIBLIOGRAPHIE
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Beaufils P, Cassard X. Réparation méniscale. Rev Chir Orthop. 2004; 90(suppl 8) 3S49-3S75
Becker R, Schroder M, Starke C, Urbach D, Nebelung W. Biomechanical investigation of different meniscal repair implants in comparison with horizontal sutures on human meniscus. Arthroscopy. 2001; 17(5): 429-444
Brunet O, Rollier JC, Gadeyne S, Chouteau J, Fessy MH, Moyen B. Lésions méniscales et cartilagineuses constatées lors de la reconstruction du LCA : à propos de 329 cas. Rev Chir Ortho 2007; 93: 4S115
Gifstad T, Grontvedt T, Drogset JO. Meniscal repair with Biofix arrows. Results after 4,7 years follow-up. Am J Sports Med 2007; 35: (1): 71-74
HAS. Prise en charge des lésions méniscales et des lesions isolées du LCA du genou de l’adulte. Recommandations professionnelles. 2008
 Koukoulias N, Papastergiou S, Kazakos K, Poulios G, Parisis K. Mid term clinical results of medial meniscus repair with the meniscal arrow in the unstable knee. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2007; 15(2): 138-143
Kurzweil PR, Tifford CD, Ignacio EM. Unsatisfactory clinical results of meniscal repair using the Meniscal arrow. Arthroscopy. 2005; 21(8): 905-910
Mc Daniel WJ, Dameron TB . The untreated ACL rupture. Clin Orthop Relat Res. 1983; 172: 158-163
Neyret P, Donell ST, Dejour H. Results of partial meniscectomy to the state of ACL. Review at 20 to 35 years. J Bone Joint Surg. 1993; 75-B: 36-40
Pernin J. Devenir à 21 ans de recul minimum de 148 reconstructions du LCA selon la technique de Henri  Dejour.  Thèse de Médecine, Angers, 2006
Yagishita K, Muneta T, Ogiuchi T, Sekiya I, Shinomiya K. Healing potential of meniscal tears without repair in knees with ACL reconstruction. Am J Sports Med. 2004; 32(8): 1953-1961
Zantop T, Ruemmler M, Langer M, Weiman A, Petersen W. Cyclic testing of flexible all inside meniscus anchors; biomechanical analysis. Am J Sports Med.  2005; 33(3): 388-394

 

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