TRAITEMENT DES ENTORSES GRAVES DU GENOU
AVEC ATTEINTE DU LCA ET DES FORMATIONS LATERALES
P. FURNO (Paris), D. BERTIN (Besançon)
Communication complète
On appelait autrefois « triades » les ruptures du LCA qui s’accompagnaient d’une rupture d’un ligament latéral et d’une lésion méniscale homolatérale.
Par habitude on le conserve encore souvent pour désigner les lésions bi-ligamentaires LCA-LLI ou LCA-LLE qu’il y ait ou non une lésion méniscale associée.
Identifier les cas où existe une indication chirurgicale précoce est important. Ces indications sont rares, mais leur méconnaissance peut conduire à des situations difficiles voire parfois impossibles à rattraper.
LES « TRIADES EXTERNES »
Il existe très souvent des lésions modérées du compartiment externe accompagnant les ruptures du LCA (contusions ou lésions du plateau tibial, fissures méniscales incomplètes ou périphériques limitées, lésions capsulaires antéro-externes, etc…). Elles n’ont pas d’incidence sur la conduite du traitement de la lésion du LCA.
Les lésions externes graves sont rares mais ont en revanche une incidence importante. Il faut entendre par graves les lésions qui comporte une laxité externe clinique nette comparative avec le genou opposé et/ou dont l’IRM confirme une rupture du LLE.
Ces lésions qui comportent une rupture grade 3 du LLE constituent une indication formelle à une réparation chirurgicale précoce. Les ruptures du ligament latéral externe ne cicatrisent jamais correctement quelque soit le morphotype, la forme et la durée de l’immobilisation. En outre la rupture du LLE s’accompagne toujours de lésions associées qui s’étendent de façon variable aux autres formations du plan externes : fascia lata, ménisque externe, coque condylienne, voire dans les formes majeures insertion du tendon du biceps sur la tête du péroné. Leur traitement au stade chronique est toujours difficile, au résultat presque toujours médiocre ; il est constamment mauvais s’il existe un genu varum.
Leur traitement doit donc être précoce, comportant la reconstruction du LCA et la réparation directe des lésions latérales. L’intervention doit également prendre en compte le traitement des lésions méniscales. Dans ce contexte de lésions récentes, leur conservation doit être la règle (suture d’un lésion méniscale instable, le plus souvent conservation simple d’une lésion stable ou d’une fissure incomplète ; la régularisation à minima d’une languette mobile doit rester une exception).
Il faut également être attentif au morphotype. Un genu varum important peut compromettre le résultat par dégradation secondaire ; dans certains cas rares peut se poser l’indication précoce d’une ostéotomie tibiale de valgisation de protection.
LES « TRIADES INTERNES »
Elles sont plus fréquentes et les problèmes qu’elles posent sont moins univoques, car l’étendue des lésions du plan interne est beaucoup plus variable. Rapportées à leur fréquence, les indications chirurgicales précoces sont également rares mais ne doivent pas être méconnues.
Les lésions de grade 1 et 2
Elles n’ont pas d’incidence sur la conduite du traitement de la rupture du LCA. Une immobilisation, dont la durée varie avec l’importance de la douleur et l’existence ou non d’une laxité interne toujours modérée, suffit en général à obtenir leur cicatrisation.
Shelbourne (2) en 1992 rapporte son expérience sur 84 réparations du LCA associées au traitement non opératoire du LCM avec de bons résultats tant sur le plan fonctionnel que de la stabilité.
Balmer (3) rapporte une étude prospective de cas associant rupture du LCA et du LCM traités par reconstruction isolée du LCA avec de bons résultats.
Noyes(4) rapporte une étude prospective sur des cas associant lésions du LCA et du LCM. Le traitement orthopédique des lésions du LCM a donné de meilleurs résultats.
Hillard (5) étudie 66 patients présentant une lésion combinée du LCM et du LCA. Il conclue que les laxités en valgus modérées ne justifient pas de réparation chirurgicale en même.
Les lésions de grade 3
Elles répondraient mieux selon Hughston (6) au traitement chirurgical. Une immobilisation immédiate se justifie pour passer la phase aigue mais une reconstruction chirurgicale du plan interne simultanée au LCA s’impose.
En fait, les avis de la littérature semblent partagés en ce qui concerne le timing opératoire et on trouve finalement une tendance à la chirurgie différée du LCA après cicatrisation des lésions internes.
Harner (1) en 1992 revoit 244 patient à 1 an minimum après reconstruction du LCA. 27 patients (11%) présentaient une raideur. Outre la chirurgie en aigu, la réparation simultanée du plan ligamentaire interne a été identifiée comme une cause de raideur.
Petersen (7) compare 27 cas de reconstructions précoces (à moins de 3 semaines) du LCA et 37 cas de reconstructions tardives du LCA isolé à plus de 6 semaines, avec dans les deux séries un traitement non opératoire du LCM (6 semaines d’attelle). Les chirurgies différées ont un taux beaucoup plus bas de raideur et un meilleur score de Lysholm.
Nous pensons qu’on peut nuancer les indications chirurgicales de ces atteintes grade 3 du plan interne en fonction de leur localisation, de leu étendue et du morphotype.
Les atteintes de l’insertion fémorale du LLI, qui sont fréquentes, cicatrisent en général correctement avec une immobilisation temporaire surtout s’il existe un genu varum. Leur immobilisation en attelle rigide assez rapidement remplacée par une orthèse articulée jusqu’à six semaines de l’accident est en général suffisante. Lorsque le varus est vraiment net, la période d’immobilisation peut même être écourtée et réduite trois ou quatre semaines et réalisée d’emblé en orthèse.
Les lésions de la partie intermédiaire du LLI cicatrisent en général assez bien par immobilisation si le morphotype est normal ou en varum. Elles constituent en revanche une indication chirurgicale lorsqu’il existe une laxité clinique en extension qui témoigne d’une atteinte de la coque condylienne dont la cicatrisation sera la généralement médiocre.
Les lésions de l’insertion tibiales du LLI ont un potentiel de cicatrisation médiocre car elles comportent généralement une avulsion osseuse de l’insertion basse qui se rétracte vers le haut et ne se fixera que médiocrement, laissant persister une laxité ; elles constituent également une indication à réparation chirurgicale. En l’absence de traitement, le risque d’instabilité chronique devient important et il faudrait alors la traiter en même temps que la lésion du LCA.
Reste le cas particulier des atteintes du plan interne en haut sur un morphotype en genu valgum ou valgum récurvatum important. Elles ne sont pas exceptionnelles. Il s’agit souvent de sujets jeunes et hyperlaxes. La cicatrisation des lésions internes est parfois décevantes et laisse persister une laxité résiduelle plus ou moins marquée. La reconstruction du pivot central ne la fait généralement pas disparaître et ces patients restent parfois gênés par une instabilité résiduelle en valgus. La question d’une réparation précoce peut donc éventuellement se discuter. L’indication est toujours difficile.
Dans tous les cas l’intervention doit également comporter le traitement méniscal avec les mêmes règles que pour les triades externes. L ‘indication des sutures est plus fréquentes sur les lésions verticales postérieures
Enfin lorsque la décision est prise de telles intervention de réparation précoces, il faut que le patient (et le chirurgien) soit conscient de la difficulté probable de la rééducation, de la longueur des délais de récupération, de la nécessité assez fréquente d’une mobilisation sous anesthésie à deux mois de l’intervention avec les incidences personnelles et professionnelles qui en découlent. L’âge reste bien entendu un facteur de pondération très important.
Références
1. Harner CD et al. Loss of motion after cruciate anterior reconstruction. Am J Sports Med. 20(5):499-506, 1992.
2. Shelbourne KD, Porter DA. ACL-MCL injury: nonoperative management of MCL tears with ACL reconstruction. A preliminary report. Am J Sports Med. 20(3):283-286, 1992
3. Ballmer PM et al. reconstruction of the ACL alone in the treatment of a combined instability with complete rupture of the MCL. A prospective study. Arch Orthop trauma Surg. 110(3):139-141, 1991.
4. Noyes FR, Barber-Westin SD. The treatment of acute combined ruptures of the ACL and MCL of the knee. Am J Sports Med. 23(4):380-389, 1995.
5. Hillard-Sembell D et al. combined injury of the ACL and MCL of the knee. Effect of treatment on stability and function of the joint. J Bone Joint Surg Am. 78(2):169-176, 1996.
6. Hughston JC, Eilers AF. The role of posterior oblique ligament in repairs of acute MCL tears of the knee. J Bone Joint surg Am. 7(4):923-940, 1973.
7. Petersen W, Laprell H. Combined injuries of the MCL and the ACL. Early ACL reconstruction versus late ACL reconstruction. Arch Orthop Trauma Surg.119(5-6):258-262, 1999.
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