Les indications et techniques d’utilisation des allogreffes en Chirurgie de reprise à Cochin

L. Vastel
Hôpital Cochin


Communication complète


Les reprises de prothèses totales de hanche

La réaction aux débris d’usure du couple de frottement des prothèses totales, puis la mobilisation des implants entraînent une altération du support osseux qui peut dans certains cas être considérable. La dégradation la plus fréquente et souvent la plus précoce est la destruction cotyloidienne, mais des descellements négligés ou itératifs du composant fémoral peuvent entraîner des altérations parfois majeures de l’épiphyse fémorale proximale. Nous avons fait le choix à l’hôpital Cochin de restaurer le capital osseux à chaque fois que celui-ci est altéré, en ayant recours à des allogreffes osseuses de banque. Ces techniques sont donc sous la dépendance de la disponibilité des greffes, qui sont soit des têtes fémorales prélevées à l’occasion d’arthroplasties totales, soit des allogreffes massives prélevées sur des donneurs en état de mort encéphalique, et ayant subi un protocole de sécurisation conforme à une réglementation de plus en plus exigeante (1, 2).

Les techniques de reconstruction cotyloidienne sont relativement univoques. Elles utilisent généralement des allogreffes morcelées ou taillées à façon pour combler le défect osseux, généralement protégées par un anneau métallique de renforcement. Nous utilisons pour notre part les armatures de Kerboull.

Les résultats de ce type de reconstruction sont variables dans la littérature, allant de 96% de succès à 10 ans pour Kerboull (3) à 58% d’échecs à 10 ans pour Kwong(4),  Cette variation semble plutôt refléter les différences liées au matériel de renforcement utilisé, qui doit être suffisamment rigide pour absorber une partie des contraintes et éviter un échec précoce, mais pas trop pour ne pas priver la greffe de contraintes mécaniques et compromettre son ostéointégration. Des résorptions tardives, attribuées par certains à l’irradiation préalable de la greffe, sont cependant rapportées (5).

Certains cas extrêmes peuvent nécessiter l’emploi d’allogreffes massives pour reconstruire le cotyle détruit, une extrémité inférieure de fémur, ou supérieure de tibia encastrée dans le cotyle résiduel étant alors utilisée, un cotyle étant scellé au sein de l’allogreffe, elle-même protégée par un renforcement métallique.

Les techniques de reconstruction fémorales par allogreffes sont plus nombreuses.

Les altérations de la zone proximale (lyse du merckel), peuvent être reconstruites à l’aide de fragments de têtes fémorales, notamment de col, encastrés en force entre la prothèse et le fémur au moment de la mise en place de l’implant fémoral. Ces apports osseux ont tendance à se résorber, sans conséquences néfastes pour la survie de la prothèse (6)

Pour ce qui concerne les altérations plus étendues, trois techniques utilisant des allogreffes sont actuellement  utilisées dans notre service :

Le comblement du fémur proximal par de l’os spongieux tassé (7, 8, 9) , au sein duquel est scellé l’implant fémoral, s’accompagne d’une mobilisation quasi constante de l’implant, dans près de 40% des cas supérieure à 3mm, a longtemps laissé planer un doute sur le devenir à long terme de ces reconstructions. Les résultats récents publiés par l’équipe d’Exeter ont en grande partie levé ces hypothèques (10). Toutefois, dans le cas de fémur très altéré et dont la continence ne permet pas aisément une mise en compression du spongieux tassé, nous préférons avoir recours à des allogreffes massives structurelles.

L’utilisation d’une allogreffe massive peut se faire selon deux techniques. Soit le fémur altéré est ouvert en deux valves, et une prothèse longue tige, manchonnée par l’allogreffe est scellée dans le fémur restant distal.  Les deux valves sont ensuite ramenées et cerclées sur la greffe. Cette technique est relativement simple et fiable, une série récente de 45 reconstructions mettait en évidence un taux de survie sans reprise chirurgicale de 82,4% à 14 ans, avec une fusion constante de la greffe avec le fémur hôte (11). La principale complication pour cette technique était, comme pour les séries équivalentes de la littérature la pseudarthrose trochantérienne. (12, 13, 14) Toutefois la stabilité finale de la hanche opérée est  significativement améliorée par l’utilisation préventive d’un crochet trochantérien. La deuxième technique possible est l’encastrement du fémur de banque dans le fémur du patient receveur par son orifice proximal selon la technique du double fourreau décrite par M. Kerboull (15) (figure 4), une prothèse standard étant alors scellée dans l’allogreffe.

Enfin, pour des défects corticaux plus localisés (corticale fémorale externe en particulier), des baguettes d’allogreffes corticales peuvent être apposées et fixées par des cerclages métalliques. A l’opposé des autres types de greffe, et probablement grâce à l’action du périoste, la consolidation avec l’os du receveur est pratiquement constante (16, 17, 18). Elles ne permettent toutefois pas une reconstruction plus importante, et les tentatives de « fagot » ou « shish kebab reconstruction » décrite par Oakeshott (19), destinées à reconstruire un fémur proximal se sont soldées par des échecs.




Les reprises de prothèses totales de genou

Devenue une intervention courante au même titre que la PTH, la prothèse totale de genou occasionne désormais également des altérations parfois majeures du capital osseux fémoral et tibial. Dans la majorité des cas le défect tibial et/ou fémoral peut être comblé par des fragments de têtes de banque, une prothèse à tige longue scellée permettant éventuellement d’obtenir une tenue en zone saine (20). Lorsque l’altération des condyles osseux est plus importante, des fragments de tête de banque peuvent être vissés de façon à restaurer la courbure condylienne (21, 22). A un stade plus important, lorsque tibia et/ou fémur sont réduits à l’état de cornets, des épiphyses massives peuvent être utilisées, retaillées à façon puis encastrées dans le cornet osseux restant. Une prothèse à tige longue permettant de ponter la zone d’allogreffe (23) (figure 5) ou une ostéosynthèse par plaque vissée étant employée pour stabiliser la greffe (24).


Bibliographie :

1) Vastel L., Anract P., Tomeno B., Courpied J-P . Utilisation des greffes de banque en orthopédie. Aspects réglementaires. In : Encyclopédie Médico-Chirurgicale, Techniques chirurgicales, Orthopédie  Traumatologie, Paris, Elsevier, 1999, 44-031

2) Vastel L., Lemercier V., Kerboull L., Kerboull M. Fonctionnement d’une banque de tissus osseux en 1998. Rev. Chir. Orthop.1999 ; 85 : 164-173

3) Kerboull M., Hammadouche M., Kerboull L. The Kerboull acetabular device in major acetabular reconstructions. Clin Orthop Relat Res. 2000; 378: 155-68

4) Kwong L.M., Murali J., Harris W.H. High failure rate of bulk femoral head allografts in total hip reconstruction at 10 years. J. Arthroplasty 1993 ; 8 : 341-346

5) Massin P., Tanaka C., Huten D, Duparc J. Traitement des descellements acétabulaires aseptiques par reconstruction associant greffe osseuse et anneau de Müller.Analyse actuarielle sur 11 ans. Rev. Chir. Orthop. 1998 ; 84 : 51-60

6) Jofe M.H., Gerbhart M.C., Tomford W.W ., Mankin H.J. Reconstruction for defects of the proximal part of the femur using allograft arthroplasty. J. Bone Joint Surg.1988 ; 70-A : 507-516

7) Gie G.A., Linder L., Ling R.S.M., Simon J-P, Sloof T.J.J.H., Timperly A.J. Impacted cancellous allografts and cement for revision total hip arthroplasty. J.Bone Joint Surg.1993 ; 75-B : 14-21

8) Elting J.J., Mikhail W.E., Zicat B.A., Hubbell J.C., Lane L.E., House B. Preliminary report of impaction grafting for exchange femoral arthroplasty. Clin. Orthop.1995 ; 319 : 159-167

9) Meding J.B., Ritter M.A., Keating EMMDT, Faris P.M. Impaction bone-grafting before insertion of a femoral stem with cement in revision total hip arthroplasty. J. Bone Joint Surg. 1997 ; 79-A : 1835-1841

10) Halliday BR, English HW, Timperley AJ, Gie GA, Ling RS. Femoral impaction grafting with cement in revision total hip replacement. Evolution of the technique and results. J Bone Joint Surg., 2003 ; 85-B : 809-17

11) Vastel L., Thevenin Lemoine C., Kerboull M., Courpied JP

Structural Allograft and Cemented Long-Stem Prosthesis  for Complex Revision Hip Arthroplasty : Use of a trochanteric claw plate improves final hip function. Int Orthopaedics; 2007; sous presse

12) Haddad FS, Garbuz DS, Masri BA, Duncan CP (2000) Structural proximal femoral allografts for failed total hip replacement: A minimum review of five years. J Bone Joint Surg Br 82:830-36

13) Blackley HR, David AM, Hutchinson CR, Gross AE (2001) Proximal femoral allografts for reconstruction of bone stock in revision arthroplasty of the hip: A nine to fifteen-year follow-up. J Bone Joint Surg Am 83: 346-54

14) Graham NM, Stockley I (2004) The use of structural femoral allografts in complex revision hip arthroplasty. J Bone Joint Surg Br  86: 337-343

15) Kerboull M. Traitement des descellements fémoraux aseptiques des prothèses totales de hanche. In : Cahiers d’enseignement de la SOFCOT, Conférences d’enseignement 1996, Paris, Expansion Scientifique Française , p1-17

16) Allan D.G., Lavoie G.J., Mc Donald S., Oakeshott R., Gross A.E. Proximal femoral allografts in revision hip arthroplasty. J.Bone Joint Surg.1991 ; 73-B : 234-240

17) Pak J.H., Paprovsky W.G., Jablonsky W.S., Lawrence J.M. Femoral strut allograft in cementless revision total hip arthroplasty. Clin. Orthop.1993 ; 295 : 172-178

18) Head W.C., Berklacich F.M., Malinin T.I., Emerson R.H. Proximal femoral allografts in revision total hip arthroplasty. Clin. Orthop.1987 ; 225 : 22-36

19) Oakeshott R.D., Morgan D.A.F., Zukor D.J., Rudan J.F., Brooks P.J., Gross A.E. Revision total hip arthroplasty with osseous allograft reconstruction. Clin. Orthop.1987 ; 225 : 37-61

20) Tsahakis P.J., Beaver W.D., Brick G.W. Technique and results of allograft reconstruction in revision total knee arthroplasty. Clin. Orthop.1994 ; 303 : 86-94

21) Mow C.S., Wiedel J.D. Structural allografting in revision knee arthroplasty. J. Arthroplasty 1996 ; 11 : 235-241

22) Ghavazi M.T., Stockley I., Yee G., Davis A., Gross A.E. Reconstruction of massive bone bone defects with allografts in revision total knee arthroplasty J.Bone Joint Surg. 1997 ; 79-A : 17-25

23) Stockley I., McAuley J.P., Gross A.E. Allograft reconstruction in total knee arthroplasty. J.Bone Joint Surg. 1992 ; 74-B : 393-397

24) Mnaymneh W. , Emerson R.H., Borja F., Head W.C., Malinin T.I. Massive allografts in salvage revisions of failed total knee arthroplasty. Clin. Orthop. 1990 ; 260 : 144-153


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