Les échecs de la chirurgie de l’hallux valgus sont-ils une fatalité ou bien sont ils toujours évitables ? Evitables, c’est reconnaître soit un défaut d’analyse et d’indication, soit un défaut de réalisation technique. Inévitables, c’est admettre les limites de notre connaissance en matière d’hallux valgus. Ce qui revient à dire, que même si nous ne le savons pas encore, nous sommes responsables de nos échecs.
ETIOLOGIES
A. Défauts techniques
Les facteurs de récidive sont différents selon le principe
technique appliqué. Les récidives étaient fréquentes avec les techniques
portant uniquement sur les parties molles, basées sur un principe de correction
« en force », par retention capsulaire (capsuloplasties), par tension
musculo tendineuse (Mac Bride), par arthrolyse latérale étendue et pansement en
hypercorrection (Petersen). Avec les techniques d’ostéotomies, distales,
proximales ou diaphysaires, le principe de correction repose sur un effet de
« détente » capsulo-ligamentaire et musculo-tendineux, et nécessite
un juste équilibre entre les gestes sur les parties molles et les gestes
osseux. L’analyse des échecs reconnaîtra des gestes qui pris individuellement
sont, soit insuffisants, soit excessifs, soit font défaut. Mais il faut aussi
identifier les gestes qui associés sont, soit redondants ( addition des deux
effets identiques), soit faussement compensateurs ( l’un insuffisant, l’autre
excessif) .
a. Les gestes osseux :
- L’exostosectomie lorsqu’elle est excessive, peut être faussement rassurante, voire cause d’hallux varus.
- L’ostéotomie métatarsienne corrige le métatarsus varus par translation, et peut être soit excessive, soit insuffisante. Le degré de translation osseuse est contrôlé par l’alignement métatarso phalangien et métatarso sésamoïdien. La correction du métatarsus varus est à la fois directe par la translation osseuse, et indirecte par un effet de détente musculo tendineuse, effet qui s’associe à l’arthrolyse latérale.
L’ostéotomie métatarsienne peut être raccourcissante, si le premier métatarsien est trop long, mais aussi dans les déformations importantes, de façon à accentuer l’effet de détente tendino musculaire. Une arthrolyse latérale excessive associée à une ostéotomie raccourcissante sont des gestes redondants, exposant au risque d’hypercorrection. Une tension excessive au niveau de la métatarso phalangienne par défaut de raccourcissement métatarsien et/ou par une arthrolyse insuffisante, est une cause fréquente de récidive.
L’ostéotomie métatarsienne doit aussi corriger l’angle de désaxation articulaire distal (Distal Metatarsal Articular Angle). L’absence de correction du DMAA est une des causes principales de récidive. Le degré de dérotation articulaire est apprécié sur la mesure angulaire radiographique, et éventuellement par un contrôle visuel direct.
L’ostéotomie métatarsienne peut être abaissante selon la pente du premier métatarsien , et le degré de mobilité articulaire en flexion dorsale. Un excès de tension articulaire plantaire est facteur de raideur, mais aussi de récidive.
La correction de la pronation métatarsienne participe à la congruence métatarso sésamoïdienne, statique et dynamique, et certaines récidives qui échappent à notre analyse relèvent sûrement de problèmes situés dans le plan horizontal.
- L’ostéotomie de la première phalange a une action directe, de correction du valgus interphalangien, et indirecte de recentrage des tendons extrinsèques fléchisseur et extenseur. Elle peut être à la source d’une récidive lorsqu’elle est soit insuffisante, laissant persister la corde de l’arc du tendon extenseur, soit excessive et notamment lorsqu’elle compense artificiellement la correction non obtenue au niveau de l’articulation métatarso phalangienne. La déformation en « z » ainsi obtenue maintien l’action varisante de la première phalange sur le métatarsien. La base de l’ongle sert de contrôle à l’ostéotomie, devant être perpendiculaire à la première phalange.
L’ostéotomie phalangienne participe aussi à la correction de la pronation du gros orteil, et un défaut de correction dans le plan horizontal peut être cause de récidive par maintien de l’effet de « bielle » décrit par Gauthier, et par incongruence métatarso sésamoïdienne.
- b Gestes sur les parties molles
- L’arthrolyse métatarso phalangienne latérale a une action libératrice directe sur le valgus phalangien et la rotation sésamoïdienne, et indirecte sur le métatarsus varus et la pronation phalangienne. L’arthrolyse latérale est un geste mesuré qui intéresse toujours le ligament métatarso sésamoïdien, souvent l’insertion phalangienne du tendon abducteur, parfois la lame sagittale du tendon extenseur, ou les fibres inférieures du ligament métatarso phalangien fixant la pronation phalangienne. Elle devient inutile par la section du ligament intermétatarsien, et dangereuse par celle du ligament métatarso phalangien principal.
Si l’arthrolyse est parfois excessive, facteur d’hallux varus, elle est souvent aussi négligée au profit de l’ostéotomie. Dans les grandes déformations, si le ligament métatarso sésamoïdien n’est pas sectionné, le métatarsien ne peut être repositionné sur les sésamoïdes qui restent accolés sur sa face latérale. De même, un choix est à faire entre une section des attaches du tendon du court abducteur, et une ostéotomie raccourcissante, au risque sinon d’une hypercorrection.
- L’allongement du tendon extenseur ne doit pas être négligé lorsqu’il existe une hyper extension de l’interphalangienne. Celle ci gène l’analyse de la correction à effectuer, et pour cela mérite d’être corrigée en premier. Une hyperextension de la métatarso phalangienne constitue une tension articulaire dorsale, source de raideur en flexion plantaire, mais aussi facteur de récidive.
- La capsuloplastie médiale est un faux espoir de correction. Il peut en être de même de la retention, ou de la reposition médiale du tendon de l’adducteur. L’ostéotomie métatarsienne ayant par elle-même un effet de détente musculo tendineuse, le principe d’une retention médiale peut avoir un effet redondant à risque d’hyper correction.
- Le contrôle clinique de la correction est un moyen d’éviter les récidives : test de simulation d’appui ; test de mise en flexion dorsale de l’orteil au cours duquel le premier métatarsien ne doit pas faire de mouvement en varus.
B. Facteurs généraux
Certains facteurs accentuent les difficultés techniques et peuvent être cause de récidive. difficultés
- de libération dans les hallux valgus importants ou arthrosiques.
- de rééquilibre articulaire dans les formes congénitales.
- de rééquilibre ligamentaire en cas d’hyperlaxité et dans les étiologies inflammatoires évolutives.
- de rééquilibre tendino musculaire dans les atteintes neurologiques
- de rééquilibre statique dans les pieds valgus, pronatus, adductus, dans les rétractions du tendon d’Achille, et en cas surpoids.
Ces facteurs sont importants à considérer dans le choix technique, car ils sont pour la plupart incontrôlables.
TRAITEMENT
Le traitement des récidives d’hallux valgus repose sur une analyse des facteurs étiologiques. Il peut être conservateur, et reprend alors la correction des défauts techniques ayant engendré la récidive : une arthrolyse insuffisante, un DMAA souvent accentué par l’exostosectomie, un premier métatarsien trop long, ou une tension métatarso phalangienne excessive, latérale, dorsale, ou plantaire, en s’aidant du raccourcissement métatarsien.
La place de l’arthrodèse répond, soit à une nécessité, dans les cas de raideur articulaire, ou d’exostosectomie trop étendue, soit à un choix face à une situation « dépassée » sur le plan anatomique ou psychologique.