Apport de l'imagerie 3D en chirurgie prothétique de hanche

C. Lefèvre, E. Stindel, J. Savéan - CHU Brest

La communication complète

 

L'intérêt théorique de disposer d'images de reconstruction 3D en préopératoire est de pouvoir analyser des documents qui aideront à rendre plus précis le geste chirurgical, à prévoir le type ou la taille d'un implant, voire à modifier la stratégie opératoire initialement prévue d'après les méthodes classiques d'investigation. 

L'imagerie 3D peut apporter des informations très utiles dans certaines indications de chirurgie prothétique de la hanche, notamment au niveau de l'implant acétabulaire, qu'il s'agisse d'une première implantation prothétique ou d'une reprise d'arthroplastie.

En effet, le chirurgien orthopédiste se voit parfois confronté à une situation délicate où l'indication d'une arthroplastie primaire paraît tout à fait licite et même indiscutable, mais la réalisation technique de l'intervention laisse imaginer des difficultés dont certaines ne seront parfois découvertes qu'en peropératoire. Ce type de désagrément peut aller jusqu'à imposer dans la précipitation un changement de stratégie. On connaît aujourd'hui l'intérêt de l'imagerie préopératoire d'un fémur proximal qui a déjà fait dans le passé l'objet d'une ostéotomie modifiant sa morphologie, parfois au point d'envisager un implant sur mesure. L'évaluation préopératoire d'un acétabulum remanié par une ancienne fracture ou une dysplasie congénitale permet d'apprécier la troisième dimension qui fait défaut sur les documents radiographiques classiques. Grâce à l'imagerie 3D, il devient techniquement possible de séparer l'image de l'acétabulum de celle du fémur, de réaliser un fraisage virtuel dans la cavité acétabulaire et de prévoir ainsi la taille minimale autorisée du diamètre prothétique en tenant compte de la réalité de l'environnement osseux, et donc de préciser la nature de l'implant (cimenté ou non), qui peut elle-même influencer le choix du futur couple de friction.

Peut-être plus encore dans le domaine de la reprise prothétique, l'imagerie 3D peut apporter des notions très utiles au chirurgien, comme l'existence de pertes de capital osseux (figure 1), tout en précisant leur répartition dans l'espace et leur volume. Ces paramètres sont à l'évidence précieux pour évaluer le volume de la perte de tissu osseux à compenser et prévoir la quantité de greffe pour la combler au mieux. De nombreuse décisions peuvent être prises à partir de telles évaluations préopératoires : allogreffe ou autogreffe, site(s) de prélèvement du ou des greffons, nécessité ou non d'une double installation, implants cimentés avec ou sans renfort acétabulaire (figure 2), implants non cimentés… L'intérêt de disposer de ces paramètres est de pouvoir choisir la technique optimale, de commander un voire plusieurs implants, et même de pouvoir mieux préciser au patient les suites à attendre de sa future intervention.

Dans cette perspective, nous utilisons à Brest le logiciel AMIRA dans sa troisième version. Ce dernier se présente comme une " boite à outils " assez complète pour l'analyse et le traitement de l'image. On peut ainsi choisir les outils qui vont permettre d'exploiter des données initiales au format DICOM, fournies habituellement par les examens tomodensitométriques ou par résonance magnétique. Ces données initiales vont pouvoir secondairement passer par des phases de segmentation, de visualisation, et enfin de manipulation pour pouvoir être analysées et exploitées par le clinicien.

L'utilisation d'un tel logiciel nécessite un certain environnement comprenant du matériel PC (Windows). Son coût est évalué à 3000 ¬ pour un monoposte, mais il existe des possibilités d'abonnement de 4000 ¬ qui permettent ensuite d'acheter des licences monopostes à coût réduit : 500¬ pour une version monoposte standard, ou 750¬ pour une version développeur.

L'étude se fait à partir de volumes scanner comprenant pour une hanche environ 300 coupes millimétriques jointives, avec une taille de pixels de 0,6 x 0,6 mm. A partir du moment où l'on dispose de ces documents, il n'est plus nécessaire de solliciter le confrère radiologue.

Une phase de pré-traitements débute par une visualisation du volume de données pour transformer cette visualisation native à l'aide d'images multiplanaires et la rendre ainsi interactive. Afin d'accélérer les traitements ultérieurs, il est très utile de créer un volume d'intérêt autour de la hanche pour ne traiter et analyser que les structures intéressantes et éliminer pour les étapes suivantes celles qui seront  hors du champ d'intérêt (figure 3). Afin de diminuer les artéfact liés à la présence des implants on utilise les filtres à disposition comme le filtrage 3D médian ou des techniques à base de lissage d'histogramme.

La phase de traitement proprement dit débute par une segmentation, c'est à dire une analyse de chaque coupe, en vue d'une extraction des structures d'intérêts : capital osseux, ciment, implants. Le problème de cette étape est la juxtaposition de structures différentes apparaissant en niveaux de gris pratiquement identiques qui ne seront donc pas reconnus par la machine. Ce contexte explique l'échec de toute méthode automatique d'extraction et implique l'intervention humaine pour extraire manuellement le contour des structures reconnaissables par le chirurgien qui saura distinguer, notamment dans le cadre d'un changement prothétique, l'os du ciment, et éliminer ainsi certains artéfacts. Pour accélérer le processus on utilisera des méthodes semi-automatiques qui permettent d'éviter le traitement de toutes les coupes du volume. Au terme de cette phase de segmentation, l'individualisation des structures permet de leur attribuer des couleurs différentes qui faciliteront d'autant la lecture des images.

L'étape finale de visualisation peut alors être abordée : l'outil autorise une manipulation des images permettant à une véritable dissection électronique. Il devient ainsi tout à fait possible de supprimer une à une les différentes structures pouvant faire obstacle à l'analyse, de séparer cupule prothétique, ciment et environnement osseux. On peut ainsi apprécier la répartition du culot de ciment dans l'espace : épaisseur du manteau, inégalité de répartition, situation et mesurer réelle de la taille des plots (coulées obturatrices ou intra-pelviennes : figure 4). A l'évidence, le plus intéressant reste l'analyse détaillée dans l'espace de l'environnement osseux, avec notamment les pertes de substance (situation, quantification par mesure directe suivant des plans différents). La possibilité de réaliser un fraisage virtuel (figure 5), de faire tourner le bloc osseux en rotations de 360° selon des axes différents donne une visualisation 3D des pertes de substance, contribuant à compléter et à faciliter la compréhension de la réalité du contexte anatomique péri-articulaire.

Au total, le traitement d'images 3D offre un potentiel réel en dépit de la nature bruitée des données dont on dispose actuellement, ce qui explique la nécessité d'une expertise médicale, la machine ne pouvant pas pour le moment fournir automatiquement l'intégralité des données attendues par le chirurgien. En dehors d'un coût non négligeable, les différentes phases de pré-traitements puis de traitements permettant la visualisation et la manipulation des images finales nécessitent tout de même en pratique une heure de travail à l'ordinateur pour une personne connaissant et maîtrisant les logiciels. Cette nouvelle méthodologie actuellement en cours de développement offre un potentiel manifestement intéressant, mais elle demande à être validée avant de devenir un outil fiable, peu consommateur de temps et d'argent, avant de pouvoir être utilisé de façon routinière dans le cadre de la programmation pré-opératoire tant d'une chirurgie de première intention que d'un changement prothétique.

 

Retour au sommaire Geco 2005

  Haut

 

© GECO