ETUDE
MULTI-CENTRIQUE Jean-Alain EPINETTE, Christian
NOURISSAT, Roland PETIT, Jean-Pierre
VIDALAIN. Cette étude a été
présentée lors des journées de
Chirurgie Orthopédique de la Martinique en 2001. Elle
réunit les dossiers d'arthroplastie
réalisées avec des implants fémoraux
et cotyloïdiens revêtus d'hydroxyapatite
(HA), présentant un recul de 10 ans ou plus.
L'expérience du groupe ABG apportée par C.
NOURISSAT (294 cas), l'expérience personnelle de J.P.
VIDALAIN (188 cas), de J.A. Epinette (330 cas) et de R.
PETIT (70 cas) constitue la série de 882 dossiers
étudiés. A la demande des organisateurs de
la table ronde, l'étude sera centrée sur les
implants fémoraux. La géométrie des
implants est différente : La tige CORAIL est
droite, comme la tige PRA et la tige OMNIFIT, mais les trois
diffèrent par l'état de surface :
entièrement revêtue (CORAIL), revêtue sur
le 2/5èmes proximaux et corindonnée en dessous
(PRA), revêtue dans le 1/3 proximal mais lisse en
dessous (OMNIFIT). La tige ABG, partiellement revêtue
se distingue par sa forme anatomique. Le but de cette étude
était de réunir une série importante
bénéficiant d'un recul significatif afin de
vérifier que l'optimisme reflété par
nos précédentes publications respectives
était fondé. Dictée par l'éloignement
géographique et par des moyens de documentation
irrégulièrement répartis, la
méthode est peut-être criticable : chacun
de nous a pris la responsabilité de traiter un ou
plusieurs thèmes et a rédigé le
questionnaire détaillé lui permettant de
récolter les éléments d'analyse des
dossiers de ses collègues. La moisson fut fructueuse;
la présentation que nous proposons se limite
volontairement aux résultats cliniques et
radiologiques. La série
étudiée : Ces 882 dossiers concernent 449 femmes
et 433 hommes. L'âge moyen est de 64 ans (Mn :21
ans, Mx 95 ans). Il s'agissait dans 85,71% des cas
d'arthrose (74,8% primitive, 10,91% secondaire). Parmi les
autres étiologies, les reprises d'arthroplastie ne
représentent que 0,9% des cas. Sur le plan clinique, la douleur
constituait le motif principal de l'intervention. La
cotation globale préopératoire selon R. MERLE
d'AUBIGNE était inférieure à 13 chez
93,2% des patients. Résultats
cliniques : Au recul minimum de 10 ans, 484
dossiers restaient disponibles pour l'évaluation (181
patients étaient décédés, 97
patients étaient perdus de vue, 39 arthroplasties
avaient été reprises, 52 patients
présentaient des tares empêchant une
évaluation clinique, 29 dossiers restaient
incomplets). Quinze reprises ont
résulté de causes indépendantes du
matériel prothétique : 5 fractures, 3
luxations, 4 infections, 3 douleurs. Vingt-quatre reprises traduisent
l'échec du matériel : 13 descellements, 9
usures de l'insert en polyéthylène
acétabulaire, 2 ruptures de billes en
céramique de zircone. Selon la cotation de R. MERLE
d'AUBIGNE, les résultats cliniques se
répartissent après un recul de dix ans en 81%
de résultats excellents et très bons, 14,9% de
bons résultats, 4,1% de résultats
insuffisants. La douleur est cotée à 6 chez
96,16% des cas. Trois patients ont présenté
des cruralgies justifiant une reprise dont le
résultat est resté médiocre. Les courbes de survie montrent un taux
de survie à 10 ans de 97,94% pour les implants
fémoraux, 96,62% pour les implants
acétabulaires. Résultats
radiologiques : L'analyse des résultats
radiologiques apprécie trois
critères : Les signes de bio-activité du
revêtement, La stabilité des
implants, L'ostéolyse. Les signes de bio-activité
du revêtement : La reconstruction osseuse au contact
des implants est précoce, intime et
durable. Dans la majorité des cas la
surveillance radiologique ne montre aucune modification
entre les clichés réalisés depuis le
deuxième mois jusqu'à la dixième
année post-opératoire : c'est le
" silence radiologique ", aspect parfaitement
rassurant, et de bon augure pour le futur. Les modifications observées
témoignent de l'adaptation dynamique de la structure
osseuse : la densification de l'os spongieux
traduit le rôle mécanique des travées
osseuses dans la répartition artificielle des
contraintes dues à l'implantation de la tige.
Recherchée avec détermination, elle
apparaît dès le 6ème mois, et se
renforce dans le temps, avec une prédilection pour
les zones 2 et 6 où elle est observée
respectivement dans 82% des cas et dans 79% des
cas. Les liserés sont toujours
localisés et varient selon la géométrie
et la répartition du revêtement HA.
Rencontrés en zone 1A dans 7% des tiges ABG et1,9%
des tiges CORAIL, ils sont présents dans 4% des tiges
PRA en zone 4 exclusivement. Les lignes réactives
connaissent les mêmes causes de variation.
Présentes dans 50% des tiges OMNIFIT en zone 1A,
elles sont absentes autour des tiges PRA et atteignent 7,5%
autour des tiges CORAIL. Ces répartitions traduisent le
rôle de la géométrie et de
l'étendue du revêtement d'HA. Elles n'ont pas
d'incidence appréciable à 10 ans de recul sur
la stabilité à long terme, ceci d'autant moins
que les images, lorsqu'elles ont été
observées, évoluent dans le temps : par
exemple les liserés observés autour de la
pointe de la tige PRA se comblent en quelques années
sans jamais s'étendre. La stabilité des
implants : Aucune migration appréciable
à l'il nu n'a été
observée. La comparaison des clichés
réalisés régulièrement montre la
stabilité de l'aspect radiologique dans le temps,
abstraction faite des images d'ostéolyse. Les signes d'adaptation dynamique
à la charge se résument à des
épaississement corticaux (2% en zone 2, 3% en zone 3
et en zone 5, 1% en zone 6). La stabilisation proximale dans la
portion revêtue d'HA de la tige se manifeste par des
images distales d'ossification endostée, des images
de piédestal stable, et parfois de véritables
bouchons diaphysaire. L'ostéolyse
fémorale est retrouvée dans 30
dossiers. Elle est toujours proximale, sous
forme de cavitation du Merkel ou de cavitation
circonscrivant la couronne toute supérieure du
revêtement d'HA. Cet aspect évoque une
barrière efficace à la migration des
particules de polyéthylène grâce
à l'intimité du contact os/revêtement
d'HA. (Depuis cette étude toutefois deux patients
repris pour une ostéolyse cotyloïdienne ont
permis de découvrir une fusée de granulome
diaphysaire supérieure de 3 à 4 cm
associée à une résorption
localisée du revêtement d'HA). CONCLUSIONS : Sur le plan clinique : les résultats de cette
étude nous paraissent très
satisfaisants : sur le plan qualitatif puisque 10 ans
après l'intervention, 95,9% des opérés
bénéficient de bons, très bons et
excellents résultats fonctionnels acquis dès
les premiers mois post-opératoires, sur le plan évolutif car les
résultats sont restés stables dans le temps et
autorisent d'espérer une nouvelle décade de
stabilité, la seule menace objective étant le
granulome sur particule de polyéthylène. C'est
l'enseignement tiré de la surveillance
ultérieure de ces opérés dont certains
atteignent un recul de 15 ans. Les 2,15% de descellements
observés chez les survivants non perdus de vue
pendant cette période de dix ans concernent des
opérés dont le résultat précoce
ne fut pas satisfaisant, ce qui plaide en faveur d'une
stabilité primaire imparfaite responsable d'une
micro-mobilité incompatible avec
l'ostéo-intégration. Sur le plan
radiologique : L'ostéo-intégration
précoce, régulière et stable dans le
temps s'associe parfois à des signes d'adaptation de
la structure osseuses aux contraintes artificielles
créées par l'implantation de la tige
prothétique. L'absence de tout signe annonciateur de
détérioration pendant cette période
post-opératoire de dix ans est
remarquable. Au terme de cette étude, nous
avons confirmé l'excellente impression
inspirée à chacun de nous par l'étude
de nos résultats à 5 ans, et nous avons repris
nos précédentes conclusions : - La première garantie de
fonctionnement indolore d'une arthroplastie réside
dans la parfaite stabilité des implants. Le
revêtement d'HA apporte cette sécurité
pour peu que la stabilité primaire soit
assurée. Cette stabilité se confirme dans le
temps, ne suscitant de problème que dans le cadre
fort heureusement exceptionnel des reprises. Le contact intime d'un os vivant et
bien vascularisé avec l'implant explique le
caractère exceptionnel des complications
infectieuses. Cette qualité joue un
rôle important dans la limitation de
l'ostéolyse. ©
GECO