Cyril BOERI, Jean-Yves
JENNY Introduction Depuis quelques années, en
complément des traditionnels paramètres
cliniques, fonctionnels et radiologiques, de nouveaux
instruments de mesure de l'état de santé ont
été développés pour les
atteintes de l'appareil locomoteur comme pour de nombreuses
autres pathologies. L'une des applications de ces mesures
nouvelles est l'évaluation par les patients
eux-mêmes de leur état de santé. Dans ce
cadre, la qualité de vie fait aujourd'hui partie des
critères qu'intègrent volontiers les travaux
d'évaluation en santé, qu'il s'agisse
d'apprécier les conséquences des pathologies,
de comparer l'impact des stratégies alternatives ou
encore d'évaluer l'effet de politiques de
santé. La Qualité de Vie, qu'est-ce
que c'est ? La notion de qualité de vie se
fonde largement sur la définition de l'O.M.S. qui ne
définit plus la santé comme l'absence de
maladie "mais comme un état complet de
bien-être physique, psychologique et social".
Cependant, la qualité de vie appliquée
à la santé ou "Health Related Quality of Life"
des anglo-saxons prend en compte non pas toutes les
dimensions de la qualité de vie en
général mais celles qui peuvent être
modifiées par la maladie ou son
traitement. La Qualité de Vie, pourquoi
la mesurer ? Il s'agit de rassembler des
données fiables qui permettent de juger de la
pertinence d'interventions déterminées. Ces
informations doivent être validées et
reproductibles. L'intérêt que les cliniciens et
chercheurs portent aux mesures de qualité de vie
liée à la santé s'explique par la
nécessité de prendre en compte les perceptions
et les préférences des patients, en
matière de décisions de santé.
Même si ce sont les médecins qui
déterminent les soins, ce sont les patients qui
choisissent de consulter un médecin, de suivre ses
prescriptions et ses recommandations ou de rechercher
d'autres moyens de trouver une réponse à leurs
attentes. En effet, la décision de consulter
dépend plus de ce que les patients ressentent que de
la "réalité de leur situation clinique". La
perception de leur propre vulnérabilité, de
leur ressenti de la maladie, des moyens
thérapeutiques mis en uvre influencent de
façon majeure la qualité de vie des
patients. Des différences parfois
importantes existent entre les préférences
exprimées par les patients et celles
évaluées par les médecins. Alors que
les médecins sont avant tout attentifs aux signes
cliniques et aux symptômes quantitatifs et
évaluables, le ressenti des patients et leur
capacité à satisfaire leurs besoins et leurs
désirs leur restent souvent inaccessibles par manque
de moyens d'évaluation appropriés. La Qualité de vie, comment
la mesurer ? La qualité de vie liée
à la santé présente un caractère
multidimensionnel. Les instruments de mesure disponibles
apprécient la qualité de vie liée
à la santé de différentes
façons. L'identification de ces dimensions et
l'importance respective (la pondération) qui leur est
attribuée lors de la mesure sont des enjeux
importants. Les mesures sont obtenues à partir de
l'analyse des réponses des sujets à un
questionnaire standardisé. L'élaboration d'un
instrument de mesure de la qualité de vie liée
à une pathologie spécifique est un travail de
recherche demandant une méthodologie
rigoureuse. Propriétés de
mesure Les propriétés
habituelles d'un instrument de mesure sont la
sensibilité et la spécificité en les
comparant à une mesure de référence.
Pour la qualité de vie qui présente un
caractère multidimensionnel, on utilise d'autres
techniques issues de la psychométrie et de la
sociologie. Les instruments de mesure disponibles
apprécient la qualité de vie liée
à la santé de différentes
façons. Lors de la mise au point d'un questionnaire,
le choix du type de questionnaire (autoadministré ou
non), le choix des domaines à étudier et des
questions pour chaque domaine, ainsi que le nombre de
questions vont dépendre des objectifs du
questionnaire. La mise au point d'un questionnaire est donc
un long travail de recherche, aujourd'hui bien
codifié, qui nécessite des compétences
pluridisciplinaires (experts: cliniciens,
méthodologistes,...). Il existe classiquement deux grandes
familles d'instruments permettant d'évaluer la
qualité de vie : Les instruments
psychométriques Ils sont construits sous forme de
questionnaire standardisé à réponse
fermée, portant sur l'état du moment ou d'une
période définie dans le passé. On
distingue : les instruments de mesure de
Qualité de Vie génériques, les instruments de mesure de
Qualité de Vie spécifiques, les instruments de mesure de
Qualité de Vie personnalisés. Les instruments de mesure de
Qualité de Vie génériques, tels que le
" Short-Form-36 " (SF-36) ou le " Nottingham
Health Profile " (NPH) fournissent des données
sur l'état de santé et la qualité de
vie, quelle que soit la pathologie ou même en
l'absence de pathologie. Ils contiennent des questions non
spécifiques. Ils sont utiles à la mise en
place de politique de santé. Leur inconvénient
est leur plus faible capacité à mesurer un
changement au cours du temps lorsqu'il est d'amplitude
faible mais d'importance clinique significative. Les instruments de mesure de
Qualité de Vie spécifiques d'une pathologie
tels que le " Arthritis Impact Measurement Scales
2 " (AIMS 2) ou le " Western Ontario and McMaster
University Osteoarthritis Index " (WOMAC) fournissent
des données propres à une maladie car
constitués d'items propres à la pathologie
étudiée. Les comparaisons avec d'autres
patients souffrant d'autres maladies ne sont pas possibles,
parce que les instruments de mesure de Qualité de Vie
spécifiques s'intéressent à une
population ciblée de patients souffrant d'une
pathologie précise. Ils détectent mieux des
changements faibles, spécifiques de cette
pathologie. Les instruments de mesure de
Qualité de Vie personnalisés identifient les
priorités de chaque patient. Ils sont plus complexes
à mettre en uvre et nécessitent un
enquêteur expérimenté. Les instruments
économiques les mesures d'utilité (Qaly :
quality adjusted life years) Ils proposent des scénarios
tirés du réel où l'on demande au sujet
de faire un choix en fonction du niveau de qualité de
vie désiré, compte tenu du risque encouru.
Selon le risque associé à chaque alternative,
le sujet oriente son choix, ce qui définit une
utilité, c'est à dire une probabilité
située entre 0 (la mort) et 1 (santé
optimale). Ceci sert de pondération pour calculer des
années de vie pondérées par la
qualité (Qaly : quality adjusted life years),
extrapolée à partir de l'espérance de
vie moyenne de la population de même
âge. Application en chirurgie
orthopédique Jusqu'à maintenant, les 3
critères les plus fréquemment
étudiés pour apprécier le
résultat fonctionnel d'une arthroplastie sont la
douleur, la mobilité et le retentissement fonctionnel
(fondé sur l'évaluation du
périmètre de marche, la boiterie,
l'utilisation ou non d'une canne, la façon de
négocier les escaliers, de se lever et de s'asseoir).
Ces paramètres sont fréquemment
analysés par les scores de Postel et Merle
d'Aubigné et de Harris pour la hanche et par le score
KSS pour le genou. En l'occurrence, pour les
arthroplasties de hanche et de genou, les instruments de
mesure de Qualité de Vie disponibles en France sont
" l'Echelle de Mesure de l'Impact en
Rhumatologie " (EMIR) et " l'Indicateur de
Santé Perceptuelle de Nottingham " (ISPN),
versions respectivement adaptées au contexte culturel
français du AIMS 2 et du NPH. Conclusions La mesure de la qualité de vie
par le patient est pertinente, elle a pour objectif la
possibilité de mieux prendre en considération
la perception par le patient de son propre état de
santé en mettant au point des instruments de mesure
spécifiques. En effet, plusieurs études ont
montré la discordance qu'il y avait entre
l'appréciation de la qualité de vie par les
médecins et les patients. Il y a cependant des
variations individuelles qui ne sont pas prises en compte.
Une des principales limites à l'utilisation de ces
questionnaires est la réticence des médecins
et peut être des patients en raison de la langue ou de
la culture. ©
GECO
Pour quoi faire ?