Dominique MOULIES Bernard LONGIS La fracture du condyle externe du coude de l'enfant est rare [10 % des fractures du coude]. Elle représente le type même d'une fracture Salter IV intéressant toutes les structures nobles que sont l'articulation, l'épiphyse et le cartilage de croissance. Sa mauvaise réputation tient au fait que chez le petit enfant ces structures sont mal opacifiées et la fracture peut malheureusement passer inaperçue. Le mécanisme le plus souvent retrouvé est un valgus forcé avec véritable translation du coude emportant le condyle externe réalisant une véritable séparation de tout le massif ou bien un déplacement en varus, plus rare, entraînant un simple bâillement par arrachement du condyle externe laissant une charnière entre le condyle et la trochlée. Dans les deux cas, le cartilage de croissance et l'épiphyse sont lésés et il existe un trait articulaire. Le déplacement peut être chiffré par les méthodes les plus simples, celles de RIGAULT :
DIAGNOSTIC Rien n'est plus trompeur qu'un gros coude de l'enfant. L'impression de flottement du fragment n'a que peu de valeur. En fait, il n'y a que peu de signe en faveur de ce type de fracture et il faudra s'attacher au cliché de profil strict avec la mise en évidence d'une hémarthrose du coude, un refoulement de la graisse pré synoviale bien visible chez l'enfant et l'image de petits liserés sur le profil et _, confirmant la fracture &emdash; séparation métaphysaire. Chez le petit enfant le piège est grand car le condyle est relativement peu ossifié et la fracture peut passer inaperçue. Le cliché comparatif est donc de mise. Certains se sont aidés de l'échographie ou des examens plus sophistiqués, mais les clichés simples sont le plus souvent suffisants pour qui sait ce qu'il faut chercher.
TRAITEMENT Les méthodes ont peu varié avec le temps. L'immobilisation simple ne peut bénéficier qu'aux fractures très peu déplacées, à condition même qu'elle soit parfaitement surveillée et le moindre bâillement ou le moindre doute indiquera la fixation chirurgicale. C'est dire l'importance du contrôle à la première semaine de cette " petite fracture ", le pire étant qu'elle échappe au spécialiste, lorsqu'elle s'inscrit dans le circuit des urgences générales. La réduction plâtrée sans brochage n'a aucun avantage, car l'anesthésie générale n'apportera pas de grande possibilité sur la réduction du fragment et l'absence de fixation ne garantit pas son déplacement, elle n'a plus sa place aujourd'hui. La réduction avec brochage doit toujours se faire à ciel ouvert car la méthode à ciel fermé est approximative et ne rend pas compte de l'importance du déplacement et de la qualité de la réduction. En effet, les petits fragments, métaphysaire, épiphysaire et cartilagineux articulaire, doivent être remis précisément en bonne place pour assurer leur consolidation. Le risque est déjà grand de voir apparaître une épiphysiodèse, il ne faut pas l'augmenter par une réduction approximative. Le seul repère fiable est le relief cartilagineux articulaire que l'on doit rendre parfaitement congruent. La voie d'abord est externe, on se doit de ne pas désinsérer les épicondyliens et une fois évacuée l'hémarthrose, le fragment est replacé soigneusement, broché en trans condylien et en trans épiphysaire. Ces deux broches en croix peuvent sortir à travers la peau ou être enfouies selon les habitudes. Un plâtre brachioantibrachiopalmaire sera gardé quatre semaines et les broches enlevées à la sixième ou huitième semaine.
RESULTATS Toutes séries confondues, pour les stades I comme pour les stades III lorsque ceux-ci sont opérés, les mauvais résultats semblent le plus souvent iatrogènes, par insuffisance de traitement, méconnaissance du déplacement, montage fantaisiste, vissage entraînant une épiphysiodèse ou même méconnaissance totale de la fracture. La nécrose du condyle externe est redoutable en raison du valgus et de l'importance fonctionnelle qui ont été décrites. Elle peut se produire pour les stades II et III. Il ne faut pas se précipiter pour corriger les axes qui peuvent secondairement se corriger lentement, sans laisser le grave préjudice rapporté par certains auteurs telle la paralysie du nerf cubital.
COMPLICATIONS Les complications immédiates sont relativement rares. Il faut insister sur la méconnaissance de la fracture, les faux diagnostics d'entorse entraînant une simple immobilisation et l'absence de consigne particulière pour le contrôle. Le sepsis sur les broches est exceptionnel, seul le déplacement sous plâtre d'une fracture de stade I, instable, est à redouter. Les complications tardives sont
nombreuses.
SEQUELLES La mobilité est le plus souvent bien restaurée, car elle est peu affectée par la fracture du condyle externe lorsque le traitement a été bien mené. Dans 5 % des cas, le déficit de flexion &emdash; extension se limite à 20°. Les seules raideurs du coude sont
secondaires à des reprises chirurgicales. La déviation
axiale est plus souvent secondaire à un
défaut de réduction. L'hypertrophie du condyle
externe, qui survient une fois sur deux, est
imprévisible. La déformation en queue
de poisson, par contre, est secondaire à
l'épiphysiodèse centrale de la plaque de
croissance. Elle n'est pas spécifique de ce type de
fracture, plus inquiétante radiologiquement que
cliniquement. Elle est bien tolérée. La synostose radio cubitale est exceptionnelle, elle n'est pas rapportée dans les séries françaises. La paralysie cubitale tardive est associée à un important cubitus &emdash; valgus, qui entraîne un véritable trapping du nerf cubital, secondaire à une pseudarthrose, et demeure exceptionnelle de nos jours. Les séquelles esthétiques sont toujours redoutées, à la face externe du coude, car la cicatrice peut être avancée comme un reproche dans plus de 34 % des cas. Les trous de broche ayant entraîné des problèmes de tolérance doivent être excisés, s'il y a une adhérence au plan profond. La saillie du condyle externe peut donner un faux aspect de cubitus &emdash; varus.
CONCLUSION Les fractures du condyle externe sont toujours aussi redoutables chez l'enfant, seule leur meilleure connaissance a permis d'améliorer les résultats. Les plus grands risques sont :
Tous les facteurs sont réunis, pour tendre un piège au chirurgien de garde qui ne saura pas apprécier cette fracture d'une articulation, d'un cartilage de croissance et d'une épiphyse fertile mal visibles radiologiquement. |
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