Qui est responsable ?

Laurent Sedel

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Effectuer un acte chirurgical c’est souvent prendre le pari que le malade sera mieux après l’intervention qu’avant. Si cela est vrai dans la grande majorité des cas, il reste les risques de complications imprévisibles, les aléas thérapeutiques.

Si certains de ces aléas sont reconnus comme tels, d’autres, par leur côté spectaculaire paraissent insupportables et sont donc considérés comme des fautes.

Confronté depuis quelques années aux échecs des prothèses articulaires de la hanche, il m’est apparu que certains échecs étaient considérés comme normaux, alors que leur fréquence ne laissait pas d’inquiéter, alors que d’autres, très rares mais spectaculaires étaient considérés comme anormaux, et donnaient lieu fréquemment à des poursuites judiciaires et des condamnations.

C’est donc une réflexion sur ce type de comportement que nous conduirons ici.

Lorsqu’on choisit de mettre en place un couple de frottement en céramique, on prend un certain risque de fracture, risque faible, estimé à 1/1000 pour une durée de vie de 10 ans.

Chiffres corroborés par une expérience clinique remontant maintenant à plus de 40 ans.

Ce risque doit être mis en balance avec celui de ré interventions liée aux effets biologiques des débris de polyéthylènes : réactions macrophagiques responsables de douleurs, de descellements, d’ostéolyses. Ces chiffres allant selon les séries publiées, l’activité des patients et la durée de surveillance de 8 à 58%. Mais dans ces cas, la survenue progressive d’inconvénients tels qu’une gène au début mal systématisée, puis une augmentation des douleurs conduisent à une ré intervention sans avoir le côté parfois spectaculaire de la fracture de céramique.

On peut au passage remarquer que les échecs des doubles cupules liées à des fractures du col du fémur sont aussi très fréquentes (environ 4 à 5% sur 10 ans), sans conduire à des procès.

Dans un article déjà ancien, Heck avait montré que les fractures de matériel : tiges, cupules en polyéthylène ou dissociation de prothèses modulaires étaient assez fréquentes et souvent plus que celles de composants en céramique.  

Dans le cas des fractures de céramique, n’est ce pas aussi parce que la communication des adversaires de ce produit ont souvent porté sur ces fractures alors que le polyéthylène est reconnu pour donner des débris sans que cela porte à réelle conséquence.

Si l’on reprend les causes des fractures de pièces en céramique : le responsable peut être le chirurgien : mauvais nettoyage du cône, les débris laissés sur le cône favorisant les fractures.

Il existe aussi des fractures favorisées par un dessin approximatif des pièces supports.

C’est rarement une mauvaise qualité de la céramique maintenant bien normée, avec obligation de contrôles destructifs de type statistiques.

Le chirurgien peut encore être responsable d’un mauvais positionnement du liner dans la coque ou de la tête sur le cône, mais c’est exceptionnel.

Le choix de ces implants est dicté par le souhait d’éviter les reprises liées aux réactions macrophagiques au polyéthylène.

Donc il faut comparer une stratégie « no débris » à une stratégie qui comporte dès l’origine l’acceptation d’un certain pourcentage d’échecs lents et peu spectaculaires.

Comment alors juger en cas de fracture ? Et qui condamner ? Le chirurgien qui a sélectionné ce produit ou l’industriel qui a mal fait. Faut-il condamner si la fracture survient après un délai et quel délai ?

Propositions

Confronté à un tel cas de fracture, l’expert devra tenir compte du délai entre l’intervention et la fracture.

Il est clair qu’une fracture survenant dans les quelques semaines ou mois correspond à un défaut. Il devra donc regarder la position des implants sur les radios, l’avis du compte rendu opératoire, les circonstances de la fracture, la radio de contrôle postopératoire etc….

Devant une fracture survenue plus de dix ans après la pose, le contexte est différent. On pourrait proposer une sorte de garantie décennale en considérant qu’il peut y avoir quelques fractures tardives, qui ne doivent pas mettre en cause la responsabilité ni du chirurgien, ni du fabricant. Et considérer ces fractures tardives comme des aléas thérapeutiques.

Le juge devra comprendre qu’il existe en chirurgie une approche stratégique qu’il doit comprendre et respecter : ou bien utiliser des produits dont on connaît assez bien la dégradation à terme entrainant un haut pourcentage de ré interventions, ou bien choisir des produits qui n’ont pas ces inconvénients mais qui peuvent de façon exceptionnelle casser.