Douleurs psychogènes - conflits du psoas et Prothèse Totale de Hanche (PTH)

Alain DAMBREVILLE

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Votre patient opéré d'une PTH se présente à votre consultation. Il marche normalement sans douleur, sans boiterie, sans canne. Il explique qu'il est gêné pour monter les escaliers et pour se lever d'une chaise ou de sa voiture. La douleur qui le limite ainsi est située dans l'aine lorsqu'il fait des mouvements de flexion active de hanche et uniquement lors de ces mouvements. Le diagnostic est fait : il présente un "conflit avec le psoas".

Pourquoi la mise en place d'une PTH peut elle favoriser un tel conflit?

Le psoas et son tendon passent juste en avant de la capsule articulaire de la hanche

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Il est classique d'attribuer ces conflits à un débord antérieur de la prothèse cotyloïdienne. Nous avons rarement pu constater un tel débord.

Alors, simple oedème de la capsule ou bursite iliopéctinée comme dans le cas visible sur cette échographie?

Que faire en pratique?

Comme MIGAUD (1), nous posons le diagnostic et les indications sur des arguments cliniques.

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1. Quand la douleur est typique : isolée, inguinale, provoquée par la flexion active de la hanche contre résistance.

2. Nous réalisons une infiltration associant xylocaïne (10cc à 1%) et corticoïdes (Cortivazol 1,5ml).

Mais cela est il si simple? Quelles sont les indications et les contrindications de cette infiltration? Où la faire? Faut il en faire plusieurs? En présentant notre série, nous essaierons de répondre à ces questions.

Matériel et méthodes

A la consultation du service de Chirurgie Orthopédique du Pr Boileau à l'Hôpital de l'ARCHET 2 à Nice, nous avons depuis octobre 2001 reçu en consultation 65 patients adressés par leur chirurgien pour suspicion de conflit entre le psoas et une PTH.

Sur ces 65 cas, seulement 24 présentaient une douleur isolée dans l'aine lors des mouvements de flexion active de hanche et uniquement lors de ces mouvements.

Un schéma de la douleur était réalisé par les patients lors de la première consultation. En voici quelques exemples.

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fig.1a : La douleur est précise et isolée

fig.1b : Douleur précise avec irradiation

fig.1c : Douleurs diffuses

Dans les cas 1a et 1 b la douleur est précise et isolée. Le cas 1c aux douleurs diffuses évoque une pathologie complexe qui exposerait à un échec de l'infiltration.

Sur les 24 patients présentant une douleur typique de conflit entre le psoas et la PTH, 5 ont refusé l'infiltration. Cette étude porte donc sur 19 cas.

Il s'agissait de 13 femmes et 6 hommes, âgés de 44 à 71 ans. L'âge moyen était de 62ans. Le côté était 12 fois à gauche et 7 fois à droite.

Le siège de la douleur inguinale était 11 fois un point interne précis (fig. 2 a), 5 fois un point médian précis (fig. 2 b) et 3 fois imprécis (fig. 2 c).

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Fig.2a : Point interne

Fig.2b : Point média

Fig.2c : imprécis

Il existait une irradiation vers le bas (fig.1b) dans 8 cas et aucune irradiation dans 11cas.

Onze patients ne présentaient aucune douleur rachidienne, 10 des douleurs rachidiennes modérées.

Le délai d'apparition de la douleur inguinale par rapport à l'intervention pour PTH était : postopératoire immédiat dans 4cas, pendant la rééducation post opératoire dans 5 cas, à 3 mois dans 3 cas, à 5 mois en descendant de voiture dans 1 cas, lors d'une chute à 1an dans un cas, à 2 ans sans trauma dans 1 cas. Un patient ne se souvenait plus du délai entre intervention et douleur. Enfin 3 patients expliquaient que la douleur post opératoire était identique à la douleur préopératoire tant en siège qu'en facteurs déclenchant.

Le délai entre l'apparition des douleurs et l'infiltration était de 6 mois 4 fois, 1an 6 fois et plus d'un an dans 9 cas dont 2 cas à 5 ans.

Une seule infiltration de 10cc de Xylocaïne à 1% associée à une ampoule de Cortivazol 1,5ml fut réalisée dans 12 cas. Dans les 7 autres cas une deuxième infiltration fut réalisée 1 mois après la première lorsque la première infiltration avait donné une nette amélioration sans disparition complète des douleurs.

Deux malades ont été perdus de vue. Les autres ont répondu à un questionnaire. La question était : êtes vous guéri, êtes vous amélioré ou n'avez-vous eu aucune amélioration des douleurs après l'infiltration?

Résultats

A plus d'un an de recul après l'infiltration, Sept patients déclaraient qu'ils ne présentaient plus aucune douleur (36%). Cinq s'estimaient nettement améliorés et cinq patients ne bénéficiaient d'aucune amélioration malgré cette infiltration. Deux étaient perdus de vue.

Discussion

Nous avons volontairement traité ce sujet sur le plan clinique sans évoquer le recours à l'imagerie. Bien sur, la radiographie de la prothèse est utile pour éliminer un descellement ou visualiser un débord en avant de la cupule, une échographie pourrait montrer une bursite iliopéctinée, un scanner en L3L4 pourrait révéler une amyotrophie du muscle psoas du côté douloureux. Mais tout ceci ne nous paraît pas l'essentiel : le patient se plaint d'une douleur inguinale isolée en flexion active de hanche contre résistance. Ce tableau clinique est nécessaire et suffisant pour poser le diagnostic de conflit entre la hanche et le tendon du psoas. Un descellement de la prothèse? Le tableau clinique est bien différent : des douleurs à la marche. Un débord de la cupule cotyloïdienne? Comme Migaud (1) et à la différence de Fessy (2) nous pensons qu'il est trop lourd d'envisager une reprise chirurgicale pour changer la position de la prothèse alors qu'une simple infiltration suffit souvent. D'autant que nous prenons peu de risque l'infiltration étant purement extra articulaire. Migaud préconise en cas d'échec des infiltrations la section du tendon du psoas au raz du petit trochanter. Il décrit des résultats favorables (3 cas avec succès). J'ai réalisé ce geste dans une autre série plus ancienne avec un résultat excellent. Une bursite iliopéctinée? Son traitement est le même que celui du conflit : l'infiltration.

Alors l'infiltration est elle la panacée?

Nous avons dans notre série 36% de succès. Migaud a 4 succès sur 9 infiltrations. Même si la majorité des patients est améliorée (12/17), il est certainement possible de faire mieux.

La première question est : où faut-il piquer?

J'avoue que je suis assez perplexe à ce sujet. J'ai l'habitude de piquer "où ça fait mal". Nous avons vu que 11 malades sur 19 (57%) présentaient une douleur précise dans la partie interne du creux inguinal, donc en dedans du paquet vasculo-nerveux fémoral. Or l'anatomie montre à l'évidence que le tendon du psoas passe nettement en dehors de l'artère fémorale.

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Fig.3a PSOAS et artère fémorale à l'arcade crurale

Fig.3b PSOAS au petit trochanter

Alors, faire l'infiltration sous scanner? Deux de ces patients en avaient eu une avant la consultation sans succès.

Si l'infiltration a été faite au bon endroit la douleur disparait dans les minutes qui suivent l'injection sous l'effet transitoire de la xylocaïne. Toujours prévenir le patient qu'il peut apparaitre une sidération du quadriceps transitoire pouvant entraîner des chutes. Donc prudence et faire accompagner les malades.

Quels sont les facteurs péjoratifs?

Rappelons que l'indication de l'infiltration concernait les patients présentant une symptomatologie typique de douleur précise et isolée déclenchée par la flexion active de la hanche (montée des escaliers...)

Sur les 5 échecs de notre série:

Conclusions

Après PTH une douleur isolée, inguinale, provoquée par la flexion active de la hanche contre résistance évoque un conflit entre le psoas et la capsule antérieure de la hanche. La marche est normale mais la montée des escaliers est douloureuse ainsi que le lever d'une chaise.

Une infiltration associant xylocaïne (10cc à 1%) et corticoïdes (Cortivazol 1,5ml) au contact du psoas est indiquée.

En cas d'amélioration incomplète une deuxième infiltration peut être réalisée 1 mois plus tard. En cas d'échec une ténotomie du psoas au raz du petit trochanter peut être discutée.

La difficulté est de préciser exactement la symptomatologie. Les douleurs diffuses ou multiples ne sont pas des indications d'infiltration.

Sur 19 infiltrations pour conflit psoas-PTH nous avons observé 7 guérisons, 5 améliorations, 5 échecs, 2 patients ayant été perdus de vue.

Les facteurs de risque d'échec sont : de caractère imprécis de la douleur, une hypersensibilité régionale à la douleur et un long délai entre l'apparition des douleurs et l'infiltration.

Bibliographie

Ala Eddine T, Remy F., Chantelot C., Giraud F., Migaud H., Duquennoy A. : Douleur inguinale isolée après prothèse totale de hanche et souffrance de l'ilio-psoas. (2001) Rev Chir Orthop, 87, 815-819.

Bricteux S, Seutin B, Beguin L, Farizon F, Fessy MH : Arthroplastie totale de hanche douloureuse : rechercher les conflits avec le psoas. A propos de 10 cas. (2000) Rev Chir Orthop, , 86 suppl II, 84-85.

Dambreville A, Rolland Jacob G, Doubrere JF et al. : (1998) Douleurs et prothèses totales de hanche. Annales Orthopédiques de l'ouest, Société des Annales Orthopédiques de l'Ouest, Tours, , 27-39.