Prise en charge médicale de l’ostéonécrose aseptique de hanche

Frédéric DUBRANA - Brest

 

Introduction

L’ostéonécrose aseptique de hanche touche essentiellement l’adulte jeune et est responsable de 10 % des prothèses totales de hanches  par an aux Etats-Unis et de 45 % à Taiwan. (1) L’évolution naturelle de cette maladie se fait vers l’aggravation et la perte de sphéricité de la tête fémorale qui représente un tournant évolutif, synonyme de solution chirurgicale. Cependant grâce aux moyens d’imagerie moderne, il est possible d’en faire le diagnostic plus tôt voire même lorsque cette maladie est asymptomatique.

Si la prise en charge chirurgicale au stade arthrosique par une arthroplastie totale de hanche représente le stade ultime de l’arsenal thérapeutique, il n’en est pas de même aux stades plus précoces où les différentes méthodes chirurgicales conservatrices (ostéotomie, forage, greffe, fibula vascularisée, cimentoplastie…) ne font pas l’unanimité. Existe-t-il alors encore une place pour le traitement médical autre que symptomatique ?

Celui-ci représente une alternative intéressante en raison de son caractère non invasif et de son faible coût. Son but est au mieux d’éviter la solution prothétique voire de la retarder, épargnant au maximum le capital temps si précieux chez un patient jeune pour lequel cette solution arthroplastique reste encore incertaine à long terme. Ainsi nous détaillerons les différentes méthodes dont les résultats sont porteurs d’espoir même si ils nécessitent une évaluation avec un plus grand recul sur des cohortes plus importantes pour confirmer leurs bons résultats.

 

Les biphosphonates
Les biphosphonates ont fait leurs preuves depuis longtemps dans le traitement de l’ostéoporose en luttant notamment contre l’effondrement des corps vertébraux.(2) Leur principe d’action repose sur l’augmentation de l’apoptose des ostéoclastes et la diminution de celle des  ostéoblastes diminuant  de facto la résorption osseuse.
Deux études récentes rapportent des résultats intéressants :
- LAI (3) a comparé dans une étude prospective randomisée sur 40  patients (Steinberg II, III, >30% de nécrose) un groupe prenant 70mg/j d’alendronate à un groupe contrôle. Au recul de 28 mois, les résultats étaient significativement en faveur du groupe alendronate en terme de score de Harris (49,2 vs 74,4), de progression radiographique (20/25 vs 4/29) et  de hanches prothésées (12 vs 1). A noter qu’il n’existait pas de réduction de la zone de nécrose.
- AGARWALA (4)  dans une étude prospective non randomisée sur 71 hanches au recul de 37 mois pour 37 hanches arrive aux mêmes conclusions (diminution de la douleur et diminution de la progression de l’ostéonécrose).
Ces études manquent cependant de recul, d’une cohorte plus importante et de groupes contrôles pour pouvoir réellement conclure. Elles ne répondent pas non plus à plusieurs questions : quelle durée de traitement, quelle posologie, existe-t-il une relation dose effet ?

Ondes de choc
Le principe d’utilisation des ondes de choc n’est pas nouveau et déjà utilisé avec succès pour le retard de consolidation des fractures et le traitement des tendinopathies.(5,6)
WANG  (7) dans une étude randomisée prospective sur 57 hanches stade I, II, III de l’ARCO a comparé un groupe onde de choc versus un groupe chirurgie conservatrice (forage simple ou associé à une greffe fibulaire). Au recul de 25 mois il montre une amélioration significative de la douleur, du score de Harris et une diminution radiographique de la zone de nécrose. Trois hanches ont été prothésées contre 7 dans le groupe chirurgie. Un inconvénient majeur est le caractère invasif de cette technique puisqu’elle nécessite une anesthésie et une décharge post opératoire.

Champs électromagnétiques
Les champs magnétiques sont utilisés habituellement dans le traitement des pseudarthroses, l’incorporation des greffes osseuses et pour leur effet chondroprotecteur (8). Leur moyen d’action est essentiellement anti-inflammatoire diminuant l’oedeme et assurant une néo vascularisation ils permettraient ainsi une meilleure cicatrisation. Leur utilisation est très simple puisqu’elle consiste à porter 8h/j l’appareil émetteur de champs autour de l’articulation atteinte (possibilité de séquencer la durée). Il est non invasif et sans effet latéral.
Massari (9) dans une étude rétrospective sur 76 hanches FICAT I, II ,III traitées pendant 6 mois retrouve au recul de 28 mois (12-108) une amélioration de la douleur et une préservation de 94 % des hanches FICAT I et II.
Le véritable inconvénient de ce système réside dans son coût et son caractère contraignant (port minimum de 8h par jour).

Les statines
Les statines ou inhibiteur de l'HMG Co-A réductase sont responsables d’une diminution de la synthèse du cholestérol. Un des mécanismes supposé de la nécrose est en relation avec un dérèglement lipidique : il se créé une augmentation de la pression du secteur médullaire extra vasculaire secondaire à une augmentation de la taille des adipocytes par accumulation lipidique. Ceci a pour conséquence une diminution du flux sanguin intra osseux source de l’ostéonécrose.
Deux études récentes proposent d’associer une statine lors de la mise en place d’un traitement corticoïde à forte dose. Pritchett (10) ne retrouve que 1% d’ostéonécrose de la tête fémorale à 7.5 ans de recul lors de cette association médicamenteuse (versus 3 à 20% d’ONA lors du traitement par corticoïde isolé à forte dose).
Wang (11) précise que les statines empêche l’expression de gène induit par les stéroïdes qui active l’expression des adipocytes et inhibe l’expression des ostéoblastes. Ainsi l’activité ostéoblastique se trouve renforcée et l’activité adipocytaire diminuée.(12, 13)
Dans une autre étude, Bowers  (14) met en évidence que les statines permettent une augmentation du volume et de l’épaisseur des trabécules osseux après une ostéonécrose induite chez l’animal.

Héparine
L’ostéonécrose est secondaire à une diminution de l’apport sanguin dont la cause peut être  soit endo luminale, luminale ou extraluminale. C’est ainsi que certains ont eu l’idée de proposer un traitement par héparine afin de diminuer le risque d’obstruction vasculaire notamment chez les patients présentant un trouble de la coagulation.
Glueck (15) propose un traitement par HBPM (enoxaparin) avec pour effet de diminuer le risque de progression des stades I et II vers les stades III et IV.

Conclusion
Il faut avant tout rester méfiant lorsque l’on compare les résultats des différents traitements médicaux ou chirurgicaux : le critère de jugement principal est soit radiologique (importance de la plage de nécrose) soit clinique (douleur). Nous savons que le premier est difficile à calculer et que le second est très subjectif. De plus, comme il n’existe aucun parallélisme anatomo clinique ou plutôt radio clinique il faut savoir rester prudent sur les conclusions des différents résultats.
Cependant tous ces résultats semblent prometteurs  et porteurs d’espoir mais ils ne sont pour l’heure que des voies de recherche,  tout comme celle de la génétique (mutation chromosome 12Q13),  et nécessitent des cohortes plus importantes, des études randomisées prospectives versus placebo et groupe contrôle avec un recul beaucoup plus important pour pouvoir s’imposer en première intention.

Bibliographie
1- Mont.MA, Hungerford.DS, Non traumatic avascular necrosis of the femoral head. J Bone Joint Surg, 1995, 77-A, 459-74.

2- Bone.HG & al, Alendronate phase III osteoporosis treatment study group. Ten years experience with alendronate for osteoporsis in postmenopausal women. N Engl J Med. 2004, 350, 1189-99.                      

3- Lai.KA & al, The use of alendronate to prevent early collapse of the femoral head in patients with nontraumatic osteonecrosis, J Bone Joint Surg, 2005, 2155-59.

4- Agarwala.S, Jain.D, Joshi.R, Sule.A,  Efficacy of alendronate, a biphosphonate, in the treatment of AVN of the hip. A prospective open-label study. Rheumatology, 2005, 44, 352-59.

5- Odgen.JA, Toth-Kischkat.A, Schultheiss.R, Principles of shock wave therapy. Clin Orthop Relat Res, 2001, 387, 8-17.           

6- Schaden.W, Fischer.A, Sailler.A. Extracorporeal shock wave therapy of non union or delayed osseus union. Clin Orthop Relat Res, 2001, 387, 95-101.

7- Wang.CJ & al, Treatment for osteonecrosis of the femoral head : comparison of extracorporeal shock waves with core decompression and bone-grafting. J Bone Joint surg, 2005, 2380-87.

8- Fini.M & al, Pulsed electromagnetic fields reduce knee osteoarthritic lesion progression in the aged dunkin hartley guinea pig. J Orthop Res. 2005, 23, 899-908.              

9- Massari.L, Fini.M, Cadossi.R, Setti.S, Traina.GC, Biophysical stimulation with pulsed electromagnetic fields in osteonecrosis of the femoral head. J Bone Joint Surg 2006, 56-60.

10- Pritchett.JW, Statin therapy decreases the risk of osteonecrosis in patients receiving steroids. Clin Orthop Relat Res, 2001, 386, 173-8.

11- Wang.GJ, Cui.Q, Balian.G, The nicolas andry award : the pathogenesis and prevention of steroid induced osteonecrosis, Clin Orthp Relat Res, 2000, 370, 295-300.

12- Mundy.G, Stimulation of bone formation in vitro and in rodents by statins. Science 1999,286:1946-9.

13-  Oxlund H, Dalstra M, Andreassen TT. Statin given perorally to adult rats increases cancellous bone mass and compressive strength.Calcif Tissue Int 2001 69:299-304.

14- Bowers JR,Dailiana ZH, McCarthy EF,Urbaniak JR Drug therapy increases bone density in osteonecrosis of the femoral head in canines. J Surg Orthop Adv. 2004,13(4),210-6.

16- Glueck CJ, Freiberg RA,Sieve L,Wang P. Enoxaparin prevents progression of stages I and II osteonecrosis of the hip. Clin Orthop Relat Res.2005,435,164-70.

 

Haut