Stratégie de reprise des prothèses totales anatomiques d’épaule

Dr Philippe VALENTI, Dr Denis KATZ (Clinique de Ploemeur, Lorient), Dr Philippe SAUZIERES
Institut de la Main, Clinique Jouvenet – 6 square Jouvenet – 75016 PARIS

 

Le pourcentage de complications après implantation d’une prothèse totale anatomique d’épaule est d’environ 14% (10% à 16%) avec un recul moyen de 5 ans (2-10 ans).

Par ordre de fréquence, surviennent :
les descellements prothétiques (glène (7%), humérus (1%)), instabilité gléno-humérale (4%), fractures péri-prothétiques (1,5% à 3%) per ou post-opératoire, rupture secondaire de la coiffe des rotateurs (1,3%), lésion nerveuse (0,8%), infection (0,7%), deltoïde déficient, défaillance mécanique de l’implant. Ces complications sont souvent associées et représentent pour le chirurgie un challenge thérapeutique.
Le descellement de la glène reste une complication difficile à traiter. Si le stock osseux glénoïdien est suffisant (au moins une paroi) la solution thérapeutique la meilleure est la réimplantation d’une nouvelle glène en polyéthylène ou plutôt avec un métalback avec une greffe osseuse complémentaire. Si le stock osseux est insuffisant, une hémi-arthroplastie est préférée avec resurfaçage de la glène à l’aide d’une greffe osseuse complémentaire ainsi que le recouvrement soit de fascia-lata, de capsule ou d’une allogreffe de ménisque.

L’instabilité gléno-humérale est le plus souvent antérieure et causée par une malposition de l’implant huméral (excès de rétroversion) et/ou une rupture du sous scapulaire. Le traitement consiste à repositionner de façon adaptée l’implant huméral. La réparation du sous scapulaire est rendu difficile par son caractère rétracté ou graisseux. Il sera au mieux renforcé par un transfert du grand pectoral, en sachant que le résultat reste aléatoire (50% d’échec). Les lésions sont souvent malheureusement combinées et la prothèse inversée est parfois l’unique solution.

L’instabilité supérieure est secondaire à une rupture de la coiffe des rotateurs entraînant très souvent un descellement glénoïdien par un phénomène de Rocking Horse. Si la tête humérale reste centrée et stable avec un bon arche acromio-coracoïdien, une hémi-arthroplastie avec resurfaçage de la glène sera possible. Si la tête humérale est excentrée avec une instabilité antéro-supérieure et une déficience de l’arche acromio-coracoïdien, la prothèse inversée représente la seule solution.

L’instabilité inférieure se rencontre après fracture ou tumeur en raison d’une mauvaise appréciation du positionnement en hauteur de la prothèse humérale.
L’instabilité postérieure peut être due à une malposition de la pièce humérale prothétique et/ou un déséquilibre musculaire. S’il existait en pré-opératoire une subluxation postérieure de la tête humérale ceci incite certains auteurs à proposer d’emblée une prothèse inversée (G. Walch). La reprise chirurgicale consiste à essayer de repositionner la pièce humérale plus antéversée, de resurfaçer la glène et d’y associer une capsulorraphie postérieure. Les résultats décevants nous incite à utiliser le plus souvent lorsque le patient est douloureux et très demandeur une prothèse inversée.

Les fractures péri-prothétiques peuvent survenir par un mécanisme de torsion en per-opératoire quand il est difficile d’exposer la glène lors d’une épaule enraidie en rotation interne. Si la fracture de l’humérus est stable et atteint la partie proximale de l’humérus, l’immobilisation par attelle et la rééducation immédiate sont suffisantes. Dans les fractures plus distales, instables, nous préférons l’ostéosynthèse par plaque ou les cerclages associés à l’utilisation d’une tige humérale longue.

Les fractures de la glène survenant en per-opératoires peuvent être traitées par vissage immédiat ou utilisation d’un métalback permettant une meilleure stabilisation osseuse.
La rupture secondaire de la coiffe des rotateurs est la 4ème complication et survient souvent dans un contexte de tendinopathie évolutive (PR, Diabète, Lipus…) Cette rupture s’accompagne d’une déplacement supérieure de la pièce humérale créant des douleurs sous acromiale et parfois un descellement de la glène associée. La prothèse inversée est pour nous la seule alternative thérapeutique.

Les lésions neurologiques sont heureusement rares et le fait d’une erreur technique. Le plus souvent il s’agit de lésion à type d’étirement du nerf axillaire ou du plexus brachial dont la régression est spontanée dans 90% des cas.

L’infection est une complication catastrophique de l’arthroplastie totale anatomique d’épaule (0,7%) et nécessite d’être diagnostiquée tôt afin de proposer une solution salvatrice pour la fonction de l’épaule. Elle survient plus fréquemment  chez des patients multiopérés ou atteints d’une déficience immunitaire. Les germes les plus souvent rencontrés sont le staphylocoque aureus et le propioni bactérium acnées. Si le diagnostic est fait dans un délai inférieur à 3 mois par rapport à l’opération, il est possible de proposer une lavage, débridement, ablation et remise en place immédiate de la prothèse associée à une antibiothérapie intra-veineuse qui sera adaptée au prélèvement per-opératoire et post-opératoire. Si le diagnostic est fait entre 3 mois et 12 mois, une intervention en 2 temps sera recommandée : Ablation de l’implant associée à un lavage, débridement et mise en place d’un spacer en ciment couvert d’une antibiothérapie intra-veineuse de 45 jours. Si après 3 mois d’antibiotiques les signes biologiques sont négatifs, une éventuelle ré-implantation d’une prothèse sera possible.
Les lésions iatrogènes du deltoïde surviennent après de multiples abords et sont exceptionnelles. Leur traitement est très aléatoire et consiste à un transfert du trapèze ou du grand pectoral.

Le désassemblage mécanique des prothèses a pu se rencontrer lors de la mise en place d’un métalback avec un déclipsage de polyéthylène et est devenue exceptionnelle.

Conclusion :
La prise en charge des complications d’une prothèse totale anatomique est difficile car les lésions sont souvent associées. Les résultats des révisions sont toujours inférieurs aux résultats d’une prothèse totale anatomique de première intention. L’obtention  de l’indolence est prédictible contrairement au gain en  flexion beaucoup moins prévisible.

 

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