Traitement arthroscopique des pathologies postérieures de cheville

S. GUILLO - S. JAMBOU (Mérignac) - C De LAVIGNE - O LAFFENETRE (Bordeaux)

 

Les lésions postérieures de cheville ont longtemps représenté un challenge à la fois clinique et thérapeutique. Le caractère profond des structures postérieures explique en effet les difficultés de compréhension clinique et de traitement chirurgical à ciel ouvert. Dans ce contexte, l'arthroscopie représente une séduisante alternative. Néanmoins, l'arthroscopie antérieure, n'est que peu satisfaisante pour l'exploration et le travail dans le compartiment postérieur, même à l'aide d'un petit arthroscope. Ces difficultés s'expliquent d'une part par la forme du dôme talien et d'autre part par le caractère plus ou moins serré de l'articulation. Cette arthroscopie antérieure ignore, par ailleurs, totalement la pathologie extra-articulaire, si importante dans cette région. La technique de l'arthroscopie postérieure telle que l'a décrite N. Van Dijk, répond en revanche parfaitement au cahier des charges. Par un abord mini-invasif, elle permet d'atteindre les éléments intra-articulaires talo-cruraux, mais aussi les structures postérieures extra-articulaires, ainsi que l'articulation sous-talienne postérieure.

Le conflit postérieur de cheville (CPC)

Lors des mouvements de flexion plantaire maximale, il peut se produire un conflit entre le calacanéus et le tibia. Ce contact va produire des lésions des structures postérieures soit par micro-traumatisme (surmenage), soit par choc violent (coincement brutal). Le CPC peut également être secondaire ou favorisé par une laxité avec translation sagittale soit du calcanéus, soit du talus.

Ce terme de conflit postérieur regroupe ce que l'on appelle le syndrome de la queue de l'astragale, le talar compression syndrome, le syndrome de l'os trigone, le bloc postérieur de la cheville, le overload os trigonum et le syndrome du carrefour postérieur.

Le conflit postérieur de la cheville intéresse essentiellement l'adulte jeune et sportif. Les sports les plus souvent rencontrés sont la danse avec plutôt des micro-traumatismes répétés et le football avec souvent un traumatisme aigu. Il est classique de retrouver ce conflit dans les pratiques suivantes : saut en hauteur, saut à la perche, saut en longueur, volley-ball, hand-ball, basket-ball, course à pied, 110 mètre haie, lancer du javelot et rugby.

Clinique

L'accident aigü

La douleur survient lors d'un shoot, d'un saut ou d'une réception. Un craquement peut être entendu. L'impotence fonctionnelle est variable. La douleur est située à la partie postérieure de l'arrière pied mais le tendon calcanéen est normal. Un œdème s'installe rapidement, mais dans les jours qui suivent, la tolérance fonctionnelle est bonne, autorisant un retour à une activité quotidienne quasi normale. Ce n'est que lors de la pratique du sport qu'il existe alors une gêne.

Le conflit postérieur chronique

À l'interrogatoire, on recherchera l'existence d'un antécédent de traumatisme et en particulier d'une entorse (inversion, équin et supination). C'est souvent dans cette situation que l'on découvre une fracture de l'os trigone passée inaperçue. Le retard diagnostique, fréquent aurait pour certains auteurs une incidence sur la qualité du résultat après traitement chirurgical.

Le début peut également être progressif, le patient se plaignant alors de douleur postérieure, d'apparition progressive, essentiellement à la marche en terrain irrégulier, à la descente des escaliers ou lors de la pratique du sport.

Elles surviennent dans un premier temps en fin d'effort mais tous les mouvements restent possibles. Il peut s'installer ensuite un dérouillage matinal, une diminution des amplitudes articulaires et une hyper-flexion plantaire qui devient progressivement impossible.

La palpation postérieure de l'articulation retrouve une douleur soit latérale, soit médiale mais le tendon calcanéen reste indolore. L'hyper flexion plantaire passive de la cheville reproduit la douleur du patient. Le triceps sural étant détendu dans cette position, on élimine alors facilement une tendinopathie calacanéenne. La confirmation du diagnostic est obtenue après réalisation pour certains sous scopie ou échographie d'une infiltration-test d'anesthésique local et/ou corticoïde. Après l'injection, la douleur en hyper flexion plantaire doit disparaître.

Examen complémentaire

Le cliché de profil de la cheville reste l'incidence de débrouillage qui permet l'étude du processus postérieur du talus ou d'un éventuel os trigone (fig4). Il peut dans certain cas déceler une fracture. On recherche par ailleurs une irrégularité de la face supérieure du PPT, des micro-calcifications péri osseuses. L'IRM peut s'avérer utile pour étudier les parties molles mais aussi la contusion osseuse. Le signe spécifique est un épaississement de l'appareil capsulo-ligamentaire postérieur localisé au niveau du ligament inter malléolaire postérieur qui peut alors prendre un aspect proéminant dans l'articulation (aspect pseudo-méniscoïde). En revanche, le scanner est plus performant pour l'analyse osseuse. La scintigraphie, quant à elle, montre le plus souvent une hyperfixation postérieure du talus.

Traitement

L'accident aigu

Devant une fracture, on discute le traitement orthopédique par 6 semaines d'immobilisation avec appui ou le traitement chirurgical d'emblée. La décision dépend de l'exigence sportive. Il est parfois jugé plus sûr de jouer d'emblée la carte chirurgicale. Il est possible de réaliser dans certains cas une ostéosynthèse sous arthroscopie du processus postérieur.

Le conflit postérieur chronique

Dans tous le cas, on propose en première intention un traitement médical et ce n'est qu'en cas d'échec après 4 à 6 mois que le traitement chirurgical devient licite .

Le repos fonctionnel est toujours utile après un épisode de surmenage. Une immobilisation de trois semaines peut être prescrite. L'appui est autorisé afin de ne pas perturber la proprioception. Ce traitement est déconseillé pour certains auteurs. L'infiltration, comme nous l'avons vu, est la clef du diagnostic. Après injection, la douleur lors de l'hyper-flexion plantaire doit disparaître. En injectant, en plus de l'anesthésique, un corticoïde retard, l'infiltration devient thérapeutique.

Les autres mesures

La correction des erreurs d'entraînement ou l'analyse d'un mauvais geste (technopathie) doit se faire en collaboration avec l'entraîneur. La protection de la cheville lors du saut passe par un entraînement et un renforcement équilibré des fessiers, du quadriceps et du triceps sural (muscles du saut). La rééducation débute après la période de repos et doit comporter un assouplissement articulaire et musculaire, un renforcement de la pince tibio-fibulaire, du tarse postérieur et des muscles antérieurs. Le travail proprioceptif doit intégrer le pied et la cheville dans le schéma du membre inférieur.

La tendinopathie mécanique du flechisseur propre de l'Hallux (FPH)

Il s'agit d'une pathologie fréquente chez les danseurs (" tendinite des danseurs "). Le tendon répond à la surcharge mécanique (overuse) par une augmentation de sa taille. Il existe donc, comme pour la tendinite de Quervain, une inadéquation contenant-contenu lors du passage tu tendon dans son canal ostéofibreux qui conduit à une tendinopathie sténosante.

La douleur se manifeste lors de la montée en pointe et irradie sur la face postéro-médiale de la jambe. La palpation du FPH, juste derrière la malléole médiale est rendue plus aisé par l'augmentation de volume. La réalisation de mouvement passif de flexion-extension au niveau de l'articulation métatarso-phalangienne peut mettre en évidence une crépitation, un ressaut ou un blocage douloureux à la palpation de la région rétro-malléolaire.

La première mesure thérapeutique consiste à réaliser une infiltration spécifique du FPH. En cas d'échec, il est alors nécessaire d'aller ouvrir chirurgicalement le canal osteo-fibreux péritendineux, geste qui peut être parfaitement réalisé sous arthroscopie.

La tendinopathie du FPH et le conflit postérieur de cheville sont deux entités distinctes mais qui coexistent souvent chez les danseurs ou parfois dans d'autres sports.

Les autres causes de douleur postérieure

En dehors du conflit postérieur, de la tendinite du FPH et de l'arthrose talo-crurale et sous talienne, la douleur postérieure de cheville peut être la conséquence de kyste osseux du talus, de corps étrangers, de chondromatose ou d'avulsion osseuse. Toutes ces causes sont accessibles, en cas d'echec du traitement médical, au traitement arthroscopique par voie postérieure. Les tendinopathies des fibulaires ainsi que du tibial postérieur après échec du traitement médical seront, quant à elles, accessibles à la tendinoscopie.

Technique chirurgicale

Matériel

Cette intervention ne nécessite qu'un matériel d'arthroscopie tout à fait conventionnel. La colonne est standard (caméra, source lumineuse, écran de contrôle) ainsi que l'arthroscope
(4 mm, angulation : 30°). L'irrigation se fait par sérum physiologique. Il est conseillé d'utiliser pour le shaver la commande à pied afin de pouvoir l'arrêter plus rapidement. Le malade est installé en décubitus ventral, garrot au niveau de la cuisse. On commence toujours par la voie d'abord latérale en incisant seulement la peau avec un bistouri lame 15. Puis, à l'aide d'une petite pince Halstead, on dissise le plan sous-cutané, afin d'écarter les structures nobles jusqu'à rentrer en contact avec l'os. On introduit à la place de la petite pince, la chemise de l'arthroscope montée d'un trocart mousse .On introduit alors l'arthroscope. La petite pince halstead est alors introduite dans la voie d'abord médiale. Elle va rejoindre à 90°, en utilisant les mêmes règles de sécurité, la chemise de l'arthroscope, juste en avant du tendon calcanéen. L'intervention se poursuit par l'introduction par la voie d'abord médiale du shaver. Ce dernier est alors positionné à environ 1cm plus distal et latéral, sa fenêtre tournée vers l'avant. Dans cette position, il n'y a ainsi aucun danger pour les éléments nobles. On découvre alors progressivement l'articulation tibio-talienne dans sa partie latérale. Au-dessous, se trouve l'os trigone et le début du ligament talo-fibulaire postérieur et au dessus, le ligament inter-malléolaire, le tibia et le ligament tibio-fibulaire postérieur. Le ligament inter-malléolaire sera réséqué. On dégage alors progressivement de latéral en médial, l'articulation tibio-talienne. Le shaver tombe alors entre l'os trigone et le fléchisseur de l'hallux qui constitue la limite médiale de la zone de travail. On peut alors pratiquer de façon très simple, sous contrôle scopique, à l'aide d'un ostéotome, la résection en monobloc de l'os trigone. Cette voie d'abord offre une excellente vision postérieure de l'articulation talo-crurale ainsi que de l'articulation sous-talienne. Il est possible de réaliser une synovectomie postérieure et de contrôler tous les tendons postérieurs en positionnant le shaver dans l'espace tibio-talien, juste en avant des tendons postéro-médiaux, la fenêtre tournée vers l'avant. À l'aide de l'aspiration, le shaver attaque les différentes gaines synoviales et les tendons sont protégés. On repère ainsi, après le fléchisseur de l'hallux, le fléchisseur commun des orteils, puis le tendon du tibial postérieur.

Cette technique des deux voies d'abord postérieures de la cheville représente une avancée considérable dans le traitement et la compréhension des lésions du compartiment postérieur. Les études anatomiques, confortées par notre expérience ainsi que celle de N. Van Dijk ne montrent aucune complication nerveuse ou vasculaire, en particulier aucune de ces lésions du nerf sural rapportées dans les techniques à ciel ouvert . Il s'agit là d'une chirurgie fiable et reproductible dont la technique doit néanmoins être extrêmement précise, ce qui demande, et peut être encore là plus qu'ailleurs, un apprentissage rigoureux au laboratoire d'anatomie.

 

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